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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

de ces actes est l’ambition, dit M. Preyer, qui la signale au vingt-troisième mois, et qui considère cette tendance comme très importante pour le développement ultérieur. Notons, d’ailleurs, qu’à trois ans comme à deux ans, on trouve à chaque instant chez l’enfant des imitations tout extérieures, des actes peu imités et peu compris.

V

Le développement de l’intelligence avant l’acquisition du langage est un des aspects les plus séduisants de la psychologie infantile. Le premier venu trouve toujours là quelque chose à dire. Précisément pour cela, il faut s’y défier des interprétations systématiques ou fantaisistes. Le philosophe évolutionniste sera tenté de retrouver dans le petit enfant un sauvage d’une espèce particulière, tout au plus apte à reproduire dans ses plus larges traits la vie mentale de ses ancêtres. Le philologue aura quelque difficulté à voir une intelligence humaine dans l’être incapable d’articuler et de lier des mots, et il n’aura garde de laisser échapper l’occasion d’une comparaison ingénieuse entre les procédés linguistiques de l’enfant qui bégaye et les procédés des langues toutes faites qu’il aura étudiées. Le physiologiste, lui, du moment qu’on ne saurait plus faire de psychologie sérieuse sans physiologie, cédera volontiers à l’habitude de juger les faits mentaux d’après leurs manifestations apparentes.

Le chapitre consacré par M. Preyer au développement intellectuel du nouveau-né me paraît un des moins réussis de son livre. Il embrasse le sujet, qui est des plus vastes, en une vingtaine de pages. La marche de ses déductions paraît molle et incertaine. On dirait que l’illustre physiologiste ne se sentait pas ici les coudées assez franches. Il s’est, d’ailleurs, nui à lui-même par la conception trop systématique de son sujet. Il s’est, en effet, proposé, avant tout, semble-t-il, de démontrer cette thèse, qui, pour nous du moins, n’avait pas besoin de démonstration, que la parole n’est pas nécessaire pour constituer des notions et exécuter des actes logiquement. Mais, étant donnée la thèse à soutenir, nous aurions trouvé tout naturel que l’auteur, si prodigue ailleurs de faits empruntés à la psychogenèse animale, eût montré quelques points de ressemblance ou de différence entre l’animal muet et l’enfant illingue. M. Preyer a négligé ce genre de comparaison, lacune mal compensée par une longue digression, d’après M. Oehlwein, sur le langage et l’intelligence des jeunes sourds-muets.

Nous avons donc peu à glaner dans le présent chapitre, et nous