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VI

Le chapitre consacré à l’acquisition et au premier développement du langage est à beaucoup d’égards remarquable. Nous appelons l’attention des psychologues sur les rapprochements très légitimes qui y sont faits entre les imperfections de la parole chez l’enfant et ses divers troubles pathologiques chez l’adulte. « L’enfant normal qui ne parle qu’imparfaitement ressemble un peu à l’adulte malade qui, pour une raison quelconque, n’est plus le maître de la parole. » Quelques exemples suffiront pour montrer l’importance de ce parallèle scientifiquement établi, et dont M. Preyer n’a pas exagéré les conclusions. Quand le centre de diction est encore mal développé, le même phénomène a lieu que lorsque les processus sensitivo-moteurs de la diction sont atteints. L’enfant, comme le malade frappé d’acataphasie, exprimera toute une phrase par un seul mot ; il dira : « chaud » au lieu de : « le lait est trop chaud pour le boire » ; il dira : « homme » pour : « il est venu un (homme) étranger ». Déjà quelque peu familier avec la langue, il pourra « défigurer sa parole, par suite d’un développement imparfait de l’intelligence, comme les déments, mus par une singulière fantaisie. La logorrhée, la dysphrasie des mélancoliques, des maniaques, des déments, des imbéciles et des idiots, l’écholalie, la palimphrasie, la bradyphrasie, la paraphrasie se retrouvent, à l’état normal et transitoire, chez les enfants sains d’esprit. De même aussi que certains malades ont perdu la faculté de comprendre les mines et les gestes, les enfants ne possèdent pas d’abord la faculté de les comprendre (asémie perceptive) ; ou bien ils peuvent être hors d’état d’exprimer leurs désirs, parce qu’ils ne possèdent pas la coordination nécessaire des mines et des gestes correspondants (asémie mimique). Enfin le langage affectif, non soumis au contrôle de la volonté, qui peut survivre, alors que le langage des idées a disparu, n’est pas encore soumis à l’inhibition volontaire chez l’enfant qui ne parle pas encore.

Je n’essayerai pas même de résumer tout l’ensemble des observations que M. Preyer a faites sur le développement général du langage chez l’enfant et particulièrement chez son fils. Tout est ici faits et interprétations de détail. Les observations générales n’ont pas la prétention d’énoncer rien de neuf ; elles confirment le plus souvent des opinions déjà émises par d’autres auteurs. Voici les plus saillantes conclusions de M. Preyer. L’enfant comprend beaucoup plus tôt les