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B. PEREZ.l’âme de l’embryon, etc.

notion de la causalité et de la dépendance mutuelle des deux phénomènes (compression du sein et accroissement de lait) ; mais il est douteux que le mouvement n’ait été renouvelé de propos délibéré pour avoir été exécuté une première fois par hasard, et à la suite d’une expérience qui a montré que la succion était facilitée par la pression exercée sur le sein. » Je suis tout à fait de cet avis. On pourrait même se demander s’il n’y a pas quelque chose d’instinctif dans ce pressement du sein très familier à beaucoup d’enfants, et dont j’ai vu l’analogue chez beaucoup de petits chats.

J’approuve aussi de tout point l’interprétation du fait suivant. « À l’égard du sens de l’ouïe, la différenciation se fait, en général, tôt, et le souvenir, par contre, ne se manifeste que tard. Pourtant certains enfants, chez qui la perception des notes se développe à une époque précoce, peuvent, dès la première année, retenir des mélodies. Une petite fille à qui l’on avait chanté les chansonnettes de Frœbel, exécutait aussi le mouvement correspondant, sans y rien changer, dès qu’elle entendait seulement fredonner une de ces mélodies, ou même réciter un couplet (treizième mois). Cette association précoce et tenace de représentations sonores avec des représentations motrices, n’est possible que lorsque l’intérêt de l’enfant se dirige sur elles, c’est-à-dire quand l’attention est souvent et pendant longtemps dirigée, concentrée sur les représentations à associer ensemble. » Ces faits, d’ailleurs, est-il dit très justement, « n’indiquent aucunement une intelligence plus développée, mais une mémoire plus vive, et une faculté d’association plus avancée. Ces associations ne sont pas de nature logique, ce sont des habitudes acquises par l’éducation et qui peuvent retarder le développement de l’intelligence quand elles sont nombreuses. Elles peuvent, en effet, nuire à la formation d’idées tôt indépendantes, par le temps même qu’elles absorbent. » Avis aux Frœbeliens par trop convaincus !

M. Preyer dit aussi d’excellences choses sur la logique de l’enfant opérant sur des idées beaucoup plus étendues, et par cela même moins profondes que celle de l’adulte ; sur l’habitude qu’on a d’attribuer à l’imagination, dans la première enfance, des actes dus en réalité à des notions confuses et vagues ; sur la facilité qu’on a de tromper les enfants, et qui tient bien plus à la pénurie de leur expérience qu’à la faiblesse de leur intelligence ; sur la certitude que la faculté d’abstraire peut se manifester, bien qu’elle soit incomplète, dès la première année, etc. Il est seulement regrettable, je le répète, que M. Preyer n’ait pas développé davantage cette partie toute psychologique de son étude.