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s’y trouvent renfermées, bien qu’une attention prolongée en découvre toujours de plus en plus ; jamais on ne la connaît entièrement, mais on ne peut nier qu’elle ne soit en partie connue par la science. La découverte scientifique s’est jusqu’ici arrêtée à l’atome et à la personne, comme limites pratiques de son analyse de l’univers en éléments simples (monades, Einzelwesen, Einzeldinge) ; l’univers lui-même est l’Être-Tout (allding) ; entre ces deux extrêmes, il y a une multitude innombrable de choses complexes intermédiaires (molécules, masses composées, espèces, genres, familles, sociétés, États ; etc.). Dans toutes ces choses diverses, les systèmes de relations internes varient immensément en complexité et en compréhension ; en fait, la complexité et la compréhension du système déterminent le rang de la chose dans l’échelle de l’être ; mais, dans tous les cas, c’est la constitution relationnelle immanente de la chose qui fait son unité réelle, sa quiddité, son essence nouménale, sa forme substantielle, sa cause formelle, son caractère objectivement intelligible » (pp. 128-120).

L’univers est donc l’intelligible en soi, parce qu’il est le système des systèmes. Qu’est-ce maintenant que l’intelligence ? Elle est : 1o la seule faculté qui découvre les constitutions relationnelles immanentes ; 2o la seule faculté qui crée des constitutions relationnelles immanentes. Et ce pouvoir créateur de constitutions relationnelles, elle le manifeste, en tant qu’activité volontaire, quand elle dispose des moyens en vue d’une fin. La volonté qui exécute n’est qu’une servante ; c’est l’intelligence seule qui conçoit les fins, et invente les moyens pour les réaliser. Or des moyens ne sont qu’un système relationnel en vue de la fin, et la fin elle-même est une chose conçue comme pouvant être, c’est-à-dire comme un système de relations immanentes. Ajoutons que l’intelligence est identique dans toutes ses formes et à tous ses degrés. Depuis l’instinct de l’animal jusqu’à la pensée souveraine, toujours l’intelligence a pour unique fonction de découvrir ou de créer des fins ou des systèmes de relations immanentes. Elle est essentiellement téléologique.

Tirons rapidement les conséquences de ces prémisses.

I. L’intelligibilité infinie de l’univers prouve son intelligence infinie. En effet, une intelligence infinie peut seule créer une constitution relationnelle infinie. « L’univers infiniment intelligible est la totalité existant par soi de tout l’être, puisqu’il n’y a pas un autre à qui il puisse devoir son existence. Mais ce qui existe par soi doit être déterminé par soi dans tous ses attributs ; et il ne pourrait se déterminer soi-même à être intelligible, s’il n’était aussi intelligent ; en d’autres termes, il doit être l’auteur absolu, la cause éternelle de sa propre constitution relationnelle immanente. L’intelligibilité, ou système relationnel de l’univers, doit avoir son origine dans l’intelligence ou entendement créateur de l’univers, considéré comme cause. Telle est au fond le sens de la célèbre distinction de Spinoza entre la nature naturante et la nature naturée » (pp. 151-152).