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mesure M. Abbott se déclare panthéiste. « Si, dit-il, toutes les formes de monisme sont nécessairement jugées panthéistiques sur ce fondement qu’on doit faire rentrer dans le Panthéisme tous les systèmes de philosophie qui posent en principe l’unité de substance, alors il faut avouer que le théisme scientifique est un panthéisme. Car certainement il soutient que tout est Dieu et que Dieu est tout ; que le dualisme qui fait de la matière et de l’esprit deux substances ayant entre elles des rapports incompréhensibles, éternellement étrangères l’une à l’autre et réciproquement hostiles dans leur nature essentielle, est une synthèse défectueuse des faits, grandement inférieure au monisme, qui pose l’unité absolue de substance et l’unité absolue de constitution rationnelle dans un seul univers existant par soi, et qui conçoit Dieu, le sujet infini, comme se pensant, s’objectivant et se révélant éternellement lui-même dans la nature, l’objet infini….. Mais si d’autre part le panthéisme est la négation de toute personnalité réelle, soit finie, soit infinie, alors assurément, le théisme scientifique n’est pas le panthéisme, mais il lui est diamétralement opposé. La téléologie est proprement l’essence de la personnalité purement spirituelle ; elle présuppose pensée, sentiment, volonté… Il n’y a pas de téléologie inconsciente. Si elle n’est pas consciente dans l’organisme fini, comme elle ne l’est évidemment pas dans la structure organique en tant que distincte de la conscience et de l’action, elle doit être consciente dans l’organisme infini qui crée l’organisme fini. Fins et moyens sont inconcevables et impossibles, excepté comme systèmes rationnels idéaux ou subjectifs que l’entendement créateur produit absolument et que la volonté reproduit dans la nature comme systèmes relationnels réels ou objectifs. D’où il suit que reconnaître la téléologie dans la nature c’est nécessairement reconnaître la personnalité purement spirituelle en Dieu…

« Toute philosophie profondément religieuse doit maintenir fermement, à la fois, les deux grands principes de la transcendance et de l’immanence de Dieu… Si Dieu n’est pas conçu comme transcendant, il est confondu avec la matière, comme dans l’hylozoïsme, le matérialisme ou le panthéisme matérialiste. Mais s’il n’est pas conçu comme immanent, il est banni de son propre univers comme créateur ex nihilo et simple mécanicien infini. Le théisme scientifique le conçoit comme immanent dans l’univers en tant que celui-ci est connu, et comme transcendant dans l’univers en tant que celui-ci reste inconnu, c’est-à-dire immanent dans le monde de l’expérience humaine et transcendant dans le monde qui est au delà de l’expérience humaine. C’est là la seule signification légitime ou philosophique du mot transcendant ; car dans l’univers qui existe par soi, Dieu est conçu seulement comme immanent, et nullement comme transcendant. Par suite, la distinction purement subjective entre la transcendance et l’immanence de Dieu correspond parfaitement à celle du connu et de l’inconnu, qui sont absolument identiques dans l’être réel ; Dieu est connu, en tant qu’il est l’immanent et inconnu, en tant qu’il est le transcendant, mais il est absolument con-