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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/130

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se fait aussi par appétition. Il y a là, selon nous, au moins chez les êtres sentants une seule réalité, qui se révèle directement à elle-même dans l’appétit et qui se représente indirectement ses rapports avec le milieu sous la forme du mécanisme. L’appétit demeure donc. le grand ressort psychologique, et les lois mécaniques ne sont que les lois de relation mutuelle entre l’appétit et son milieu.

II. — Le deuxième ordre de considérations invoquées à l’appui des idées-reflets, c’est la doctrine de l’inconscient. Tandis que l’ancienne psychologie ne tenait compte que des éléments qui arrivent à la pleine conscience, la nouvelle a tracé une distinction entre la conscience, la subconscience et l’inconscience. Il importe seulement de savoir jusqu’où va cette distinction et s’il existe, comme point de départ de l’évolution mentale, une inconscience absolue.

Les changements accomplis dans le système nerveux et cérébral doivent tous avoir un corrélatif mental : tel est le principe dont il faut ici partir. Nous n’avons, en effet, aucune raison de supposer que le corps soit d’un côté, l’esprit de l’autre, et que des choses puissent se passer dans le cerveau qui n’auraient pas leur contre-partie mentale. Nous avons, au contraire, toute raison d’admettre qu’il n’est point d’effet produit dans le cerveau qui ne s’exprime mentalement par une modification plus ou moins insensible de l’état de conscience général, de la cænesthésie. L’expérience confirme par les faits l’harmonie entre le cerveau et la conscience, dont la constance est admise a priori pour des raisons de simplicité, d’économie, d’intelligibilité. Nous avons, par exemple, des états d’humeur impossibles à analyser et à expliquer par raisons intellectuelles, et que nous savons avoir leur première origine dans l’état de l’organisme. Il existe donc sous la conscience claire et distincte une sphère de conscience confuse et indistincte. En d’autres termes, nous ne sommes pas tout entiers intelligence réfléchie, raison raisonnante ; nous sommes sensibilité et, en dernière analyse, volonté ; or, les états de sensibilité ne sont pas tous traduisibles en termes intellectuels, encore moins les états de tension et les directions diverses de la volonté, de l’appétit inhérent à la vie même. Il y a en nous quelque chose de plus fondamental que la raison, que la connaissance, que la « représentation » ; et comme cette chose se manifeste par le sentir, qui lui-même suppose une appétition favorisée ou contrariée, il en résulte que les faits radicaux et mouvements primitifs de la vie mentale sont des faits d’appétition, des mouvements de la volonté, non de celle qui se raisonne elle-même, mais de celle qui est antérieure aux raisonnements qu’elle peut faire sur soi.