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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/129

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A. FOUILLÉE.l’évolutionnisme des idées-forces

de la vie mentale et ne peuvent être considérés comme les éléments primordiaux des états de conscience. S’il n’y a que mécanisme dans les actes réflexes, d’où vient cette conscience qui apparaît tout à coup dans le cerveau par un simple ralentissement, comme s’il suffisait de tourner une roue de machine un peu moins vite pour produire de la pensée ou du sentiment ? Un réflexe tout mécanique ne peut sembler capable de produire sentiment et pensée qu’à ceux qui admettent le matérialisme, et Spencer rejette ce système. Il répète à plusieurs reprises que les mouvements les plus compliqués ne sauraient rendre raison du plus simple des états de conscience. Rien de mieux ; mais il faut en conclure que le mental était déjà dans le réflexe prétendu automatique ; qu’avant le réflexe, même, il était déjà dans la vie ; qu’avant la vie, il était déjà au fond des mouvements dits organiques ; qu’avant tout, il était parmi les facteurs primitifs et efficaces de l’évolution. À vrai dire, le sentiment de la différence, la discrimination, ce n’est rien moins que le discernement, c’est-à-dire l’intelligence même ; après avoir fait du pur mécanisme dans sa synthèse progressive, Spencer se met donc tout d’un coup à faire de l’intellectualisme dans son analyse régressive, sans montrer le lien des deux. Au reste, la discrimination même n’est pas le fond de la vie mentale, car, avant de discerner, il faut avoir quelque chose à discerner, qui ne peut être qu’un changement d’état ; or, un changement d’état ne peut se comprendre que par une action modifiant une autre action : la passivité implique quelque activité. Enfin cette activité est de nature appétitive. Le véritable fond mental du réflexe mécanique est donc, selon nous, l’appétit ; la sensation, l’émotion, et la réaction motrice sont les trois moments de ce que nous nommerons le processus appétitif. Ce processus, à la fois mental et mécanique, que nous adoptons comme point de départ de toute explication psychologique, nous semble seul offrir les caractères nécessaires et suffisants pour une vraie explication, parce qu’il contient tout les éléments essentiels et des mouvements automatiques et des mouvements volontaires simples.

C’est seulement quand on a ainsi restitué au mouvement, même le plus primitif, son côté mental ou plutôt son fond mental (sensation, émotion, appétition), qu’on peut admettre l’évolution graduelle des mouvements, d’un côté sous la forme des actes instinctifs, puis des actions réflexes proprement dites, de l’autre sous celle des mouvements volontaires, selon que l’élément de la conscience va diminuant ou croissant. L’explication des faits psychologiques est donc, à nos yeux, non seulement mécanique, mais encore et surtout appétitive : omnia mecanice fiunt, tout se fait par mécanisme, mais tout