acquise. L’homme fera toujours des hypothèses métaphysiques sur la constitution interne de la matière, comme sur celle de sa propre conscience. Bien plus, après ce que nous a révélé l’analyse psychologique aidée de la physiologie, la voie est ici tout ouverte : les inconnues de l’équation ne peuvent pas ne pas prendre finalement elle-mêmes une valeur psychique. On en vient nécessairement à dire : — D’une part, les éléments des changements physiques sont à ces changements mêmes comme les éléments des changements psychiques sont aux changements psychiques ; d’autre part, les changements psychiques et les changements physiques sont inséparables ; si donc l’élément des processus mentaux est le processus élémentaire de l’appétition-sensation, il est naturel, le monde étant un, de transporter un processus analogue, mais plus rudimentaire, sous les mouvements physiques ; si on ne le faisait pas, on en resterait à une multiplicité inintelligible. Après avoir assimilé à nous-mêmes les autres hommes et les animaux, parmi lesquels les polypes presque impossibles à distinguer de la plante, nous nous arrêterions tout d’un coup à la plante en disant : — Ici commence un monde numéro 2 qui n’a rien de commun dans ses éléments propres avec le monde numéro 1 ; nous allons tirer un grand trait pour séparer le monde qui ne sent absolument pas et n’a aucune espèce d’appétition, d’avec le monde qui sent et fait effort. Puis, arrivés aux minéraux, nous recommencerons l’opération et élèverons un nouveau mur infranchissable. La nature sera ainsi coupée en domaines séparés par des fossés béants. Il ne restera plus qu’à expliquer comment, de la fournaise minérale qui fut la terre encore embrasée, put sortir la vie végétative, puis la vie animale, puis l’homme. Il est vrai que Jéhovah est là pour venir à notre secours, pour faire apparaître les divers règnes de la nature, et même, dans chaque règne, les diverses espèces, par autant de fiat distincts ou de miracles spéciaux. Mais alors, le lien monistique refusé à la nature même, on le transporte au-dessus, dans un Homme éternel. Pour n’avoir pas voulu projeter dans la nature un peu de ses sensations et appétitions rudimentaires, on projette son intelligence développée et sa volonté réfléchie dans un démiurge ou dans un créateur. C’est bien toujours une induction, mais à rebours et dans un sens contraire à celui de la psychologie, de la physiologie, de tout l’ensemble des sciences.
Dans une explication physique, par exemple celle des mouvements de la peur, on ne peut sans doute faire intervenir le mental, par exemple l’émotion même de la peur, comme un anneau intermédiaire placé entre un mouvement cérébral et un autre mouvement cérébral. Étant données les cellules du cerveau avec leurs mouve-