qu’un germe d’explication ; est-il fécond ou stérile, l’expérience le dira ; et il faut pour cela qu’à un fait naturel vienne s’ajouter un artifice qui est de l’invention de l’homme.
Après cette vérification, les membres du savant collège se réunissent une dernière fois pour délibérer en commun. Ils reprennent ces différentes opérations dès l’origine, ils en suivent le progrès, jusqu’au dernier terme, chacun faisant des remarques ou des objections. Alors seulement, quelques-uns, au nom de tous, prononcent en juges souverains. Ce sont les interprètes de la nature (interpreters of Nature, interpretes Naturæ,) et leur arrêt n’est pas une simple parole humaine, c’est une véritable loi des choses.
Ce sont là de belles images de poète, et la logique, comme la science, est aujourd’hui plus précise en son langage abstrait. La division du travail semble aussi poussée à l’excès, et Bacon attribue à plusieurs ce qui peut fort bien être l’œuvre d’un seul, comme l’hypothèse et l’expérience qui la vérifie. Cependant, les différentes phases qu’il note avec tant de soin sont bien celles de l’œuvre scientifique, et l’ordre dans lequel il les énumère est précisément celui que de nos jours Claude Bernard lui-même indiquait : constatation d’un fait ou observation, conjecture ou hypothèse, expérimentation. Le savant du xixe siècle se trouve d’accord avec le logicien et le philosoplie qui écrivait dans les premières années du xviie. Bacon avait conçu d’avance la méthode comme la comprit et la pratiqua Claude Bernard[1].
- ↑ Introd. à l’étude de la médecine expérimentale, 1865, pp. 43-44. « Le savant complet est celui qui embrasse à la fois la théorie et la pratique expérimentale, 1o Il constate un fait ; 2o à propos de ce fait, une idée naît dans son esprit ; 3o en vue de cette idée, il raisonne, institue une expérience, en imagine et en réalise les conditions matérielles ; 4o de cette expérience résultent de nouveaux phénomènes qu’il faut observer, et ainsi de suite… » — Les quatre premières sortes de travaux que Bacon indique, et la cinquième qui les résume (ceux des mercatores lucis, des deprædatores, des venatores, des fossores ou operatores in mineris, enfin des divisores), correspondent au premier travail de Claude Bernard ; la sixième (celle des euergetæ) au second ; les septième et huitième (celle des lampades, puis des insitores) au troisième ; enfin la neuvième (des interpretes naturæ) à l’œuvre dernière et définitive.