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notes et discussions

supérieure du corps jusqu’au niveau de l’ombilic : nous pouvions sans qu’il s’en aperçût, lorsqu’il avait les yeux bandés, placer son bras dans n’importe quelle position, le fléchir et l’étendre alternativement. Un jour nous avons attaché une série de poids de plus en plus forts au poignet du malade, chaque fois nous coupions la ficelle qui retenait le poids, le bras se relevait brusquement en raison de l’élasticité musculaire. Le malade n’a perçu ni les mouvements effectués par son bras, ni l’effort nécessaire pour retenir suspendus les divers poids, ni la différence de ces poids. Il n’a trouvé aucune différence de poids entre 3 flacons de grès de même taille, dont l’un était plein de mercure et pesait 1,850 grammes, tandis que les deux autres ne pesaient chacun que 250 grammes. Les yeux bandés, il a soulevé un poids de 11 kilogrammes ; il ne s’apercevait pas qu’il tenait un objet lourd et l’a lâché sans faire effort pour le retenir. Le sentiment de la résistance avait disparu comme celui de l’effort : il ne pouvait distinguer les yeux fermés un morceau de caoutchouc d’un morceau de cire à modeler. Nous sommes donc autorisés à conclure que le sens musculaire peut se réduire tout entier à des sensations afférentes tactiles et musculaires, puisque, lorsqu’elles disparaissent, il disparaît avec elle. Ce n’est pas aux sensations musculaires seules que l’on peut réduire le sens musculaire, l’un de nous l’a dit expressément[1], mais à un complexus de sensations où sont comprises avec elles les sensations qui proviennent de la peau, des articulations, etc. M. Fouillée reconnaît au reste, à plusieurs reprises, que nous « n’avons pas conscience du courant centrifuge », que c’est par des sensations centripètes que nous connaissons les mouvements et la résistance : c’est là ce que nous avons voulu établir. Sur ce point, le Congrès de psychologie physiologique s’est trouvé tout entier d’accord avec nous : MM. Bertrand et Grote ont fait remarquer que, si nous n’avons pas conscience du courant moteur centrifuge, il n’est pas certain que nous n’ayons aucune conscience de l’activité des centres moteurs. Nous ne pensons pas autrement : il n’existe pas de preuves directes d’une conscience motrice, mais il existe dans notre esprit des phénomènes très différents des phénomènes de représentation, les tendances, les désirs, etc., et les analogies permettent de supposer, sans que rien l’établisse positivement, que la conscience que nous en avons est liée à l’activité des centres moteurs. Cette conscience est nécessairement très différente de la conscience représentative et ce n’est pas d’elle que nous avons voulu parler. Nos expériences ont établi que le sens musculaire, dans l’acception où le mot est employé d’ordinaire, est réductible à des sensations afférentes : M. Fouillée l’admet comme nous ; nous avons cru utile de le mettre en lumière.

E. Gley. — L. Marillier.

  1. E. Gley, loc. cit.