paru depuis celle des Nouvelles Œuvres inédites de Biran. Du moins une chose nous rassure. Biran est de ceux qui peuvent attendre. La mode les dédaigne quelquefois ; l’oubli ne les gagne jamais.
Le volume Science et Psychologie réunit six opuscules écrits à des époques différentes et qui remplissent la seconde phase de la vie de Biran : Rapports de l’idéologie et des mathématiques (1803) ; — Observations sur le système de Gall (1808) ; — Commentaire sur les Méditations de Descartes (1813) ; — Rapports des sciences naturelles avec la psychologie (1813) ; — Notes sur l’abbé de Lignac (1815) ; — Notes sur l’idéologie de M. de Tracy, 1815.
Dans une savante Introduction, M. Bertrand, avec l’aide de M. Naville, débrouille les questions, souvent difficiles, de dates. Il fait mieux. Examinant successivement chacun des opuscules, il en dégage les idées nouvelles, et, de la pénombre qui les entourait, les amène à une saisissante lumière. Nous voudrions tout au moins signaler les plus importantes de ces vues, dont plusieurs ont conservé toute leur valeur.
I. — Le problème philosophique est avant tout le problème de nos idées, de leur origine, de leur valeur (p. 11). Deux écoles contraires ont tenté de le résoudre : d’une part, celle qui cherche l’âme dans le cerveau ; d’autre part, celle qui fait abstraction du cerveau et ne connaît que la pure pensée ; d’un côté, ce qu’on appellerait maintenant l’école psycho-physiologique ; de l’autre, l’école cartésienne.
Il y a trois façons d’étudier l’âme par le cerveau : ou bien avec Hartley et Bonnet chaque fonction de l’esprit est rapportée à un centre spécial, chaque phénomène à une fibre ; l’infinie diversité des faits de conscience se disperse dans l’infinie diversité des mouvements cérébraux ; ou bien avec Descartes on recherche un siège unique de toute l’âme ; ou bien enfin avec Gall on adopte un point de vue intermédiaire : on localise simplement les facultés.
Les trois thèses sont chimériques : la première se heurte à l’unité du moi ; la seconde s’appuie sur une unité toute d’imagination, par conséquent sur une ombre ; quant à la troisième, elle réunit les difficultés des deux premières et en ajoute d’autres. La craniologie en effet n’explique dans l’individu ni les transformations fréquentes du caractère ni les intermittences de la passion. Les trois hypothèses soulèvent d’ailleurs de communes difficultés. Aucun rapport de causalité n’est possible entre le cerveau et la pensée, « car il n’y a aucune homogénéité entre un mouvement cérébral et une idée ». De plus, la physiologie de l’esprit même achevée, on ne saurait toujours rien. Des séries d’idées coulant parallèles à des séries de mouvements, voilà tout ce que l’on constaterait. La psycho-physiologie pour Biran, comme le platonisme pour Aristote, double les choses en croyant les expliquer. (Observations sur le système de Gall.)
II — Serons-nous plus heureux en nous tournant vers Descartes ? Nullement. S’enfermer dans le monde de la pensée, révoquer en doute tout ce qui n’est pas elle, c’est-à-dire des vérités nécessaires, par