rapport à quelque facteur général et primordial. Il importe d’examiner cette théorie des idées-sans-force, avant d’exposer celle des idées-forces.
Le premier caractère de cette hypothèse, c’est de supprimer le lien propre des états mentaux entre eux. Un état de l’esprit n’est jamais produit par un autre ni même vraiment lié à un autre ; tous les états de l’esprit ne sont liés qu’à des états du corps. Erreur de supposer que nos idées, par exemple, s’éveillent jamais l’une l’autre en vertu d’une convenance interne, d’une nécessité rationnelle ou même émotionnelle ; erreur de croire que l’espoir déçu soit parmi les réels facteurs de la tristesse et l’explique, que les prémisses d’un raisonnement rendent vraiment raison de la conclusion. Les idées et sentiments sont simplement juxtaposes dans cet ordre, sans aucune cohésion mutuelle et propre, parce que les processus nerveux auxquels ils correspondent respectivement se sont provoqués l’un l’autre dans ce même ordre déterminé par des forces toutes mécaniques. Suivant cette théorie, les uniformités de liaison entre les états de l’esprit seraient donc de simples uniformités dérivées, résultant des lois de succession entre les états du corps, qui seuls les déterminent. Il n’y aurait pas de lois mentales primitives, il n’y aurait même véritablement aucune loi de l’esprit. La seule vrai connaissance des lois psychologiques reviendrait à la physiologie[1].
Cette première conséquence de la théorie est, selon nous, une pure hypothèse dépourvue de toute preuve, contraire même à l’observation de la conscience. De quel droit bannit-on la loi de ce domaine intellectuel où précisément elle est conçue ? Si le lien logique entre une conclusion et ses prémisses dans un raisonnement n’est pas un véritable lien, une véritable loi, il n’y aura nulle part de loi, car, en définitive, toute loi est de la logique appliquée. De même, pourquoi bannir a priori toute condition de changement, toute causalité et toute force du seul domaine où nous saisissons seule apparence saisissable de l’action causale et de la force, c’est-à-dire du domaine mental ? Au dehors, rien que des phénomènes qui se suivent plus ou moins régulièrement ; c’est seulement en nous. que nous sentons le pâtir et l’agir, la force subie et la force exercée. Il est donc étrange et que tout ait des lois propres excepté ce qui pense la loi même, et que tout agisse pour sa part excepté le seul | être qui se sent agir, sent l’action des autres êtres et conçoit l’idée i d’action.
Cette hypothèse a son origine dans une confusion : on ne dis-
- ↑ Voy. Mill, Logique, II, p. 435.