changement. Dès lors, quand on dit que le sentiment ne fait pas partie des énergies transformables, on ne fait que dire : le sentiment n’est pas un simple mouvement.
Il n’en résulte nullement que le mental soit un pur reflet ; au contraire, nous l’avons vu, ce sont les changements externes dans l’espace qui, ne pouvant se comprendre par eux-mêmes, reflètent nécessairement des changements internes dans le temps ; et ceux-ci, à leur tour, doivent refléter des actions et réactions d’ordre psychique. À la question de Bain et de Delbœuf : — La même force peut-elle se manifester sous forme de mouvement ou sous forme de pensée ? — nous répondrons donc : Non, si vous entendez par force la même quantité de mouvement de tension ; cette quantité se manifeste simplement dans divers organes, sous forme de divers mouvements dans l’espace. Je puis soustraire au cerveau une partie des conditions physiques du fonctionnement intellectuel : afflux du sang, innervation, chaleur, etc., et alors ma pensée s’affaisse ; mais l’état général de l’organisme est toujours exprimé d’une manière adéquate dans ma conscience, sinon sous forme de pensée claire, du moins sous forme de sentiment obscur plus ou moins voisin de l’équilibre.
Plusieurs philosophes (Lange, Renouvier, Bersot, etc.) ont cependant objecté que l’impression produite sur la rétine ou sur l’ouïe par la lecture ou l’audition d’une nouvelle foudroyante : « Votre mère est mourante » ou : « Votre père est ruiné », est sans proportion avec les phénomènes consécutifs d’agitation, de mouvement, de locomotion, etc. Ils en ont conclu qu’il n’existe ici aucune équivalence entre les forces. — Nous répondrons qu’il y a un certain équilibre cérébral répondant à notre équilibre moral et que toute cause qui tend à détruire celui-ci tend à détruire l’autre. Sans doute la lecture de cette phrase : Votre mère se meurt, en tant que simple lecture, ne produit pas plus d’excitation sur la rétine que la lecture de cette autre phrase : Votre mère se porte bien ; mais, dans le premier cas, l’équilibre moral et l’équilibre cérébral correspondant sont entièrement bouleversés : un tourbillon d’idées et de sentiments se produit, avec un tourbillon cérébral corrélatif ; ce tourbillon cérébral provoque à son tour une sorte de tempête physique, — pleurs, cris, mouvements, agitation, battements de cœur, course rapide au chemin de fer, etc. Le ressort du centre même de la vie morale et aussi de la vie cérébrale a été pressé, tandis que le courant nerveux produit par la lecture de lignes indifférentes ne presse aucun ressort, n’ouvre ou ne ferme aucun circuit d’importance capitale. Prenez d’une seule main une bouteille de Leyde, vous ne ressentirez