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rien ; touchez le bouton de l’autre main, vous éprouverez la secousse. Quelques mots, en ouvrant un courant intérieur, peuvent faire qu’un homme saute sur un pistolet : il en applique la gueule sur sa tête, presse la détente et meurt. La disproportion apparente de la cause et de l’effet se changerait en harmonie, même au point de vue mécanique, si nous pouvions suivre tous les trajets, toutes les répercussions, toutes les ruptures d’équilibre, tous les désordres intérieurs, depuis la faible vibration de l’ouïe jusqu’au coup de pistolet final. Dans ce pistolet même, le petit mouvement du doigt qui a pressé la détente a mis en liberté une somme considérable de force motrice ; faut-il croire pour cela que les effets n’y soient pas proportionnels aux causes et qu’il y ait création de force dans l’arme à feu ? Quelques gouttes d’acide cyanhydrique produisent la mort ; faut-il croire qu’une puissance mystérieuse et créatrice ait tiré du néant les effets considérables d’une cause en apparence minime ?

Si donc l’on mettait d’un côté tous les mouvements accomplis dans le cerveau, dans les centres de la moelle, dans les moindres parties et particules du corps, de l’autre tous les états psychiques qui existent dans la conscience centrale et ceux qui peuvent exister aussi dans les centres médullaires, dans les cellules mêmes, dans les particules de tout le corps, on aurait une équation exacte entre les deux sommes : on verrait que l’ensemble des mouvements corporels d’un organisme correspond à l’ensemble de ses états psychiques. Comme on n’a point d’instrument pour mesurer avec exactitude l’intensité des phénomènes mentaux, on ne peut sans doute montrer expérimentalement que la corrélation de cette intensité avec celle des phénomènes physiologiques correspondants est universelle et constante, mais la déduction et l’induction doivent faire admettre cette corrélation, car tous les faits connus sont en sa faveur.

De ce que le sentiment ne fait point partie des énergies transformables, faut-il conclure qu’il ne soit pas une force au sens métaphysique, une activité, c’est-à-dire une cause que le mouvement manifeste, ou le mode d’action et de réaction d’une cause ? — Nullement ; ce peut être au contraire parce que le sentiment est une vraie force, ou la réaction d’une vraie force et d’une activité, qu’il n’est pas « transformable » en un pur rapport extrinsèque et local, en une sorte de nombre pythagorique.

Activité peut d’abord signifier déterminisme de rapports (sans force attribuée aux termes), c’est-à-dire nécessité réciproque et universelle ; et alors il n’y a pas heu d’exclure les phénomènes psychiques de l’ensemble des phénomènes qui se conditionnent, se