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à la connaissance des objets ; elles sont aussi des formes nécessaires de la communication des pensées, de la société intellectuelle qui a pour instruments les signes. Si le langage est une logique, la logique est aussi en elle-même un langage. Le principe de contradiction est une forme de la logique sociale en même temps que de la logique individuelle. On en peut dire autant du principe de causalité, et même de toutes les idées métaphysiques, dans lesquelles une analyse attentive retrouverait un facteur social. Les idées constituent de la force collective emmagasinée dans l’individu ; elles sont de l’hérédité intellectuelle, qui réagit sur l’hérédité physique et peut, par l’éducation, la diriger, parfois même la dominer.

Partout donc l’idée apparaît comme ayant une efficace, comme renfermant en soi des conditions de changement pour les états de conscience et, en vertu du lien de ces états au mouvement cérébral, pour le cerveau lui-même. On n’a pas énuméré toutes les causes et forces de la nature quand on a énuméré tous les mouvements. Il peut y avoir et il y a d’autres activités que celles qui sont purement mécaniques : ce sont les activités psychiques. Les idées sont les expressions à la fois de ces activités et des mouvements par lesquels elles se traduisent au dehors. Elles sont des intermédiaires entre le monde du mouvement et le monde moral. Pour le véritable évolutionnisme, loin d’être inertes, les idées sont les formes conscientes de l’action. Ce n’est pas passivement, mais bien en se mouvant, en sentant, en agissant, que l’être arrive à penser ; la pensée est une révélation de l’énergie mentale, non de l’inertie mentale. Elle est toute autre chose qu’un éclairage, et si on veut chercher des comparaisons dans le domaine de la lumière, il faut dire plutôt que les idées constituent des centres de clarté et de force analogues aux étoiles, des systèmes astronomiques où la force à la fois éclairante et motrice répandue dans l’univers se concentre, rayonne en agissant, agit en rayonnant, tâche d’attirer tout à soi ; et le monde, finalement, se trouve entraîné là où s’est accumulé le plus de force avec le plus de lumière.

Alfred Fouillée.