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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/380

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place dans une bonne classification des études. Ainsi seulement, d’autre part, elle peut se concilier avec la nature des questions ordinairement agitées sous le nom de métaphysique.

D’ailleurs, la métaphysique que propose M. Fouillée n’échappe pas à notre définition. Son titre de métaphysique « immanente », ou « fondée sur l’expérience », n’est pas entièrement justifié. Elle ne s’élève au-dessus des sciences particulières qu’en dépassant le phénomène. Comme elle confond le monde objectif avec le monde extérieur, et le monde subjectif, ou encore le monde psychique, avec celui de la conscience, elle est bien obligée, en vue de sa « synthèse ultime », d’accepter un monde extérieur et opposé à la conscience. Et, en fait, elle le pose d’emblée et sans critique. Or qu’est-ce que cela, sinon dépasser l’expérience ? M. Fouillée lui-même ne l’a-t-il pas implicitement reconnu en écrivant que « toute expérience se ramène en définitive à une certaine conscience que nous avons» ? — Mais il y a plus. Cette métaphysique cherche à saisir dans le monde psychique, non seulement des états et des actes de conscience, mais le sujet de ces actes et de ces états, le « sujet conscient pour qui les faits intérieurs ne sont encore que des phénomènes, des objets de conscience, des représentations », le sujet qui « ne peut plus s’appeler proprement un phénomène ». Comment donc cette métaphysique pourrait-elle être appelée une métaphysique d’expérience ? Y aurait-il deux espèces d’expérience, c’est-à-dire deux manières de saisir, d’éprouver immédiatement, celle des phénomènes et une autre dont nous ne pouvons nous faire aucune idée ? Car enfin, ce n’est pas « l’abstraction réflexive » de Maine de Biran, recommandée par M. Fouillée, qui nous éclairera à cet égard. « La réflexion abstrayant le sujet qui pense de tous les objets par lui pensés », ou bien ne saisit rien du tout au terme de son opération, ou bien saisit encore un objet, car il n’y a pas de pensée possible sans un objet. Or si nous saisissons un objet, Maine de Biran enseigne que nous sommes encore dans le monde des phénomènes. Eh oui, sans doute, nous y sommes encore ; l’expérience, quelle qu’elle soit, ne s’étend pas au delà, et si votre métaphysique prétend s’avancer plus loin, c’est qu’elle n’est pas une métaphysique d’expérience. — Elle ne l’est pas non plus quand elle « risque des inductions sur la permanence indéfinie de notre être ». En vain nous dit-on que la vie à venir serait supposée « homogène, en ses attributs les plus essentiels et les plus précieux, avec la vie présente » : encore en différerait-elle par des conditions et des caractères dont nous n’avons aucune expérience, et sur lesquels justement porte la question. Et puis, nous n’oublions pas que l’expé-