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maladies, les résultats sont moins concluants, la conformité aux lois est obtenue plus grossièrement. Le fait de la régression n’en paraît pas établi avec moins de solidité. En l’état, cependant, un doute reste peut-être sur le véritable sens et sur la portée générale de la loi.

En effet, M. Galton a choisi pour sujet de son enquête des particularités, notamment la taille et la couleur des yeux, que nous pouvons supposer infailliblement soumises à des conditions physiologiques, sans lesquelles la stabilité du type humain ne serait plus concevable. Il se pourrait, sans doute, que la taille moyenne de la population anglaise se trouvât, après un siècle, plus petite ou plus grande que M. Galton ne l’estime aujourd’hui, et, en tous cas, la taille varie selon les races ou les latitudes. Mais il est à croire que la taille de l’homme oscille entre certaines limites qui ne permettent point que la moyenne s’abaisse ou s’élève sensiblement, j’entends pour l’espèce considérée en son ensemble. La loi de régression, en ce qui concerne la taille, a donc bien la valeur d’une loi d’hérédité générale, et elle s’applique à la totalité de l’espèce, ou du moins à des populations aussi larges qu’on les voudra prendre dans un laps de temps infiniment long.

De même il ne semble pas inadmissible, au premier abord, que les yeux foncés ou les yeux clairs arrivent à prédominer dans l’espèce humaine, et c’est en Angleterre une opinion vulgaire que la coloration des yeux devient graduellement plus foncée dans ce pays. M. Galton, néanmoins, la trouve persistante dans la période des quatre générations sur lesquelles porte son enquête, et l’on peut encore attribuer, dans ce chapitre, une portée générale à la loi de régression, sans qu’elle implique cette fois une constance du type nécessairement indéfinie.

Si nous passons à la faculté artistique, il semblerait légitime d’admettre, à plus forte raison, que la loi de régression n’interdit pas absolument, dans cet ordre de faits, l’élévation lente du niveau de la médiocrité. Il est vrai d’ailleurs que les conditions économiques des sociétés interviennent toujours pour limiter l’exercice professionnel de l’art, et il est peut-être raisonnable de croire aussi que la proportion des dons naturels ne change guère, même dans nos nations de culture raffinée.

La loi de régression, portée maintenant dans l’ordre intellectuel et dans l’ordre moral, y signifierait encore la proportion constante des sujets bien ou mal doués intellectuellement et moralement. Elle agirait comme un frein pour maintenir l’espèce au même niveau. Du reste, l’élévation du niveau de la moyenne ne saurait plus tout à fait