être comprise, quand nous parlons de l’intelligence et de la moralité, comme nous l’entendons en parlant de la taille, par exemple. Le progrès humain, dont l’idée est étroitement liée à celle d’une moyenne supérieure, dépend moins peut-être de la qualité des hommes médiocres que de la valeur des hommes exceptionnels. Il y aurait, en un mot, une discussion à établir sur la nature des faits et des procédés, dont nous ne pouvons pas même indiquer ici les grandes lignes.
M. Galton n’a pas fait la critique des données de son enquête à ce point de vue. Il lui suffisait de vérifier une induction, de formuler une loi dont la valeur mathématique est indiscutable, et telle qu’elle est, il en a laissé entrevoir les conséquences. « Cette loi, écrit-il, p. 106, parle fortement contre la pleine transmission d’un don heureux quel qu’il soit. Parmi plusieurs enfants, peu auront chance de différer de la moyenne autant que leur Parent moyen, et moins encore d’en différer autant que le plus exceptionnel des deux parents. Mieux la nature a doué le parent, plus rare sera sa fortune d’obtenir un fils aussi bien doué, et surtout mieux doué que lui-même. Du reste la loi est équitable, elle s’applique à la transmission des mauvaises qualités comme des bonnes. Il demeure aussi bien entendu que ces faits n’infirment pas l’opinion commune que les enfants d’un couple bien doué ont plus chance d’être bien doués que ceux d’un couple médiocre. Ils signifient seulement que le plus capable entre tous les enfants d’un petit nombre de couples bien doués n’a pas chance d*être aussi bien doué que le plus capable entre les enfants d’un très grand nombre de couples médiocres. »
Rapprochons de ce passage l’alinéa, p. 156, où M. Galton montre en quelle faible proportion il se trouve dans un milieu cultivé, à cause de la préférence donnée dans leur éducation aux arts d’agrément, plus de femmes que d’hommes artistes[1], et en conclut combien faible est l’effet de l’éducation, comparé à celui du don naturel. Sa conclusion serait donc, et c’est du moins la nôtre : que l’élévation du niveau de la médiocrité, considérée comme l’indice grossier du progrès humain, ne peut être qu’extrêmement lente ; le pouvoir direct de l’éducation dans le progrès, extrêmement faible.
Dans Éducation et hérédité, le dernier écrit que nous aurons de lui, M. Guyau ne contredit pas absolument à cette conclusion. Il s’efforce du moins à en atténuer la rigueur, et il dirige son attaque
- ↑ 28 pour 100, mâles ; 33 pour 100, femelles. Encore faudrait-il tenir compte de la vraie valeur de ces femmes artistes, ou soi-disant telles !