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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/442

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comme une espèce de la connaissance, mais pour tout autre, c’est la connaissance qui sera une espèce de la perception.

De son côté, l’intuition se prend souvent pour la perception et réciproquement ; et c’est toujours « l’analogie optique » (Ansschauung, Ausschauen) qui opère la fusion.

Le souvenir, du moins, intuition du passé, ne diffère-t-il pas spécifiquement de la perception, intuition du présent ? On pourrait le croire. Cependant toute doctrine suivant laquelle un souvenir est le réveil d’une disposition antérieure, reconnaît par là que l’état qui réapparaît, est précisément l’état ancien, la perception qui a continué d’exister. Inversement, si le souvenir est une espèce de la perception, celle-ci est une espèce du souvenir. Toute psychologie qui admet une connaissance a priori, la suppose antérieure à la perception ; de plus, toute perception est un assemblage qui implique la conservation des perceptions antérieures, la mémoire. Enfin, toute perception consiste à saisir les qualités sensibles qui sommeillaient dans le fond obscur de la conscience, et dont le réveil, par conséquent, peut s’appeler un souvenir. La perception, pourrions-nous dire, dans sa forme comme dans sa matière, implique la mémoire ; la perception est un cas du souvenir.

Le concept de perception est coordonné, au moins en apparence, à ceux que nous lui avons comparés jusqu’ici. Mais dans le système de classification adopté comme plan de ce travail, la sensation est une espèce de la perception. Elle se distingue de la perception, en ce qu’elle est simple, cérébrale, subjective ; la perception consiste à unir plusieurs sensations, à transformer ces faits inconscients en faits conscients, ces opinions en expériences. Mais, synthétiser, apercevoir, objectiver, sont des actes de penser. M. E. est ainsi amené naturellement à passer à la comparaison de la perception avec les « facultés supérieures » de la connaissance.

La pensée, comme l’a dit Kant avec raison, est une spontanéité. La perception, en tant qu’intuition, est une réceptivité. De là la difficulté de les rapporter l’une à l’autre. Les uns subordonnent la pensée à la perception. Ce sont tous ceux qui attribuent à l’entendement une intuition. Mais on peut aussi, et avec plus de raison, ramener la perception à la pensée. C’est ce que prouvent, et les conditions de la perception, qui se résument dans l’influence de l’entendement sur elle, et la propriété qu’a la perception de représenter les objets présents, enfin la valeur qu’il faut attribuer à la perception. Sans doute, à en croire la psychologie courante, la perception serait une connaissance immédiate, qui, par là, serait indispensable à la pensée, connaissance médiate, sans avoir besoin elle-même de la pensée. Mais ce qui est vrai, c’est que la perception, elle aussi, a la pensée pour condition. D’abord elle est médiate en ce que, réceptivée, elle est conditionnée, et par le substratum inconnu qu’on appelle l’âme, et par la cause qui excite les affections de l’âme. De plus, la perception a