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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/448

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jusqu’ici comme les plus élémentaires. C’est naturellement la propriété individuelle qui, sous le nom de monopolisme, fait les principaux frais de la guerre menée par M. Macdonald contre l’économicisme. La propriété, c’est le vol, et plus particulièrement le vol fait aux générations à venir : il n’y a pas aux yeux de l’auteur de vérité plus éclatante. Au reste, peut-être la propriété individuelle deviendrait-elle une superfluité avec une telle réduction des besoins. Dans l’âge d’or rêvé par M. Macdonald, la terre, grâce à une habile sélection (il oublie de nous dire combien de siècles elle demanderait), serait arrivée à produire naturellement tous les végétaux utiles ; le travail, devenu un jeu, n’aurait plus besoin de salaire ; plus de monnaie d’ailleurs ; tout payement s’effectuerait en unités fictives, sur la nature desquelles nous ne sommes pas arrivés à nous faire une idée bien nette. Nous ne nous flattons pas non plus d’avoir bien compris le système d’allotements du sol, qui assurerait à chacun sa place au soleil, sans consacrer aucun monopolisme agraire, et sur lequel reposerait toute l’organisation sociale : car la grosse question pour M. Macdonald, c’est celle-ci : Quelle est l’étendue de terrain nécessaire à la subsistance de l’individu ; problème qui nous trouble, nous l’avouons, lorsque nous considérons, d’une part, combien est élastique ce mot de subsistance, et que, d’autre part, grâce à l’échange, le plus modeste consommateur lui-même vit autant sur les contrées les plus reculées du globe que sur le jardin qu’il cultive. Mais M. Macdonald, qui attaque comme coupable d’abstractions tous les systèmes qu’il condamne au nom de la science (et en particulier le système économique), nous paraît lui-même en plus d’un point victime des mots et des abstractions.

On nous dispensera d’une critique et même d’une exposition plus étendue d’un système qui nous ramènerait apparemment à ce fameux état de nature que nous n’arrivons pas à nous représenter autrement que comme un misérable état sauvage. Nous préférons nous arrêter sur une idée importante et juste qui se dégage des chimères dont elle est environnée. C’est une pensée de prévoyance pour les générations futures que notre dévorante activité économique risque quelquefois de dépouiller d’avance de leur patrimoine. On épuise les mines, on abat des forêts qui mettent des siècles à se former, on massacre inconsidément des espèces animales utiles qui sont menacées d’une prochaine extinction : autant de pertes irréparables, autant d’injustices de notre insouciant égoïsme à l’égard des générations futures. Cette pensée avait déjà, on le sait, fortement préoccupé l’esprit à la fois prudent et hardi de Stuart-Mill ; M. Macdonald lui fait une grande place dans son système, et l’on peut admirer ce souci de l’avenir dans une théorie par d’autres côtés si rétrograde. Ce souci prend même la forme religieuse, et M. Macdonald croit utile de nous proposer une religion nouvelle et un Dieu nouveau, Mellos (l’Avenir), qu’il s’efforce naturellement de justifier par d’abondantes citations bibliques. Cela est encore bien anglais, et c’est à ce titre que nous signalons ce dernier trait du système.