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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/468

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nous pourrions, si nous le voulions, le remplacer par un contenu tout différent. Nous savons que c’est ainsi que procèdent les mathématiques : elles ne font pas abstraction de tout contenu, elles recourent à une matière sensible pour rendre l’espace et le temps représentables, mais elles considèrent ce temps et cet espace sensible comme un simple symbole du temps et de l’espace intelligible, qui est leur véritable objet.

La pensée fonde les mathématiques en appliquant ses lois et tout particulièrement le principe de Raison à la forme abstraite des choses. La méthode de ces sciences consiste toujours à partir d’un tout, à diviser ce tout en ses parties et à relier ces parties entre elles par des rapports de condition à conséquence. Un triangle peut, par exemple, être considéré comme un tout dans lequel je peux par abstraction distinguer deux éléments : la base et la hauteur d’un côté, la surface de l’autre. Comparant ensuite ces deux éléments, je puis apercevoir dans l’un la condition de l’autre, car il est impossible de modifier la base et la hauteur d’un triangle sans modifier en même temps sa surface. Mais il ne faut pas oublier que les rapports des grandeurs mathématiques ne restent jamais de simples faits d’expérience : ils s’expriment par des jugements universels, qui peuvent se déduire les uns des autres et former ainsi un système complet, dont toutes les parties sont reliées logiquement les unes aux autres. Appliqué aux grandeurs mathématiques, le principe de Raison prend donc une valeur logique et de là vient que les rapports de condition à conséquence, exprimés par les théorèmes, trouvent une certitude et une nécessité qui donnent à notre esprit la plus complète satisfaction possible.

La physique. — Après avoir fondé la science de la forme, la pensée aborde la science de la matière contenue dans cette forme. Cette matière, que l’abstraction seule peut séparer de la forme, se compose avant tout des éléments qualitatifs de la représentation. Or, aussitôt que la pensée soumet à sa critique cette matière, elle y découvre des contradictions qui, au premier abord, semblent devoir la rendre réfractaire à toute interprétation scientifique. Les anciens déjà (les sceptiques particulièrement) avaient relevé la plupart de ces contradictions, dont beaucoup frappent même le bon sens naïf. Le bon sens naïf n’est guère ému par la dissemblance radicale, par l’irréductibilité des sensations des différents sens, irréductibilité qui pourtant répugne à une science vraiment objective ; mais il est frappé du désaccord des sensations, de son, d’odeur, de goût chez différentes personnes, ou chez la même personne à des moments différents ; il est surtout tellement cho-