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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

l’entendement, pour plus de commodité, a séparé, la communication de la volonté et du monde matériel n’aura peut-être plus rien d’inintelligible[1]. La conciliation du principe de finalité, tel que l’entend M. Wundt, avec le principe de l’équivalence des causes et des effets ne présente pas non plus de difficulté bien sérieuse. La volonté ne crée pas de forces, elle utilise mieux les forces qui sont mises à sa disposition. Dans une machine compliquée et savante, le principe d’équivalence est tout aussi bien respecté que dans une machine grossière, ou même que dans un simple poêle. Seulement, dans la machine savante, les forces mécaniques, sous la direction d’une volonté intelligente, produisent la plus grande somme possible d’effet utile.

L’hypothèse de l’action de la volonté sur la nature n’a pas d’ailleurs un caractère purement philosophique. La physiologie y a eu bien souvent recours, elle y a encore recours quelquefois aujourd’hui même, pour ainsi dire sans s’en apercevoir. Enfin l’histoire naturelle contemporaine en fait ouvertement usage. Darwin, que l’on considère, on ne sait pourquoi, comme le fondateur de la théorie mécanique du développement de la vie, lui a donné dans son système une place importante. On sait en effet que, pour expliquer les transformations et les progrès des formes vivantes, Darwin invoque un principe d’explication dont le caractère téléologique n’est pas contestable : ce principe n’est autre que celui de la lutte pour la vie. Si la lutte pour la vie consiste dans les efforts que fait l’être sentant pour arriver à se nourrir et à se reproduire, la lutte pour la vie est évidemment la manifestation dans l’ordre des phénomènes matériels d’une activité volontaire.

Cette volonté a même dû commencer à étalir son empire sur la vie dès l’apparition des organismes les plus rudimentaires. Sans elle, les causes mécaniques extérieures n’eussent jamais réussi à produire une transformation progressive de ces organismes, et à les amener au degré de complexité et d’harmonie qu’ils ont acquis chez les animaux supérieurs.

  1. M. Wundt a exposé dans son Éthique (p. 402 et suiv.), d’une manière aussi nette que possible, sa théorie de l’Action de la volonté sur la nature. La difficulté de concevoir cette action disparaît si l’on se pénètre bien de cette idée que, réellement, l’esprit et la nature sont une seule et même chose. Les choses nous apparaissent dès lors comme faisant partie de notre vie psychique, et le mécanisme de la nature se ramène à la causalité psychique. (Der Mechanlsmus der Natur ist ein Theil des allgemeinen Zusammenhangs geistiger Causalität.) Le principe de causalité mécanique, tel que le concevaient les Cartésiens, n’est qu’un principe régulateur qui nous rend service dans notre interprétation de l’ordre des phénomènes de la nature, mais qui ne doit pas être pris pour l’expression adéquate de la réalité métaphysique.