des deux mondes dont se préoccupe fraternellement le charitable académicien, où trouveront-ils un préservatif contre ses paralogismes ? Un peu plus de logique et de suite dans les idées vaudrait bien mieux que cette érudition d’emprunt sur les philosophes juifs et arabes, et même sur les philosophes espagnols qui ont écrit en latin. Le savoir le plus solide, qui est celui de première main, n’empêche pas d’avoir tout l’esprit du monde ; et l’on en montre toujours assez en se taisant discrètement de ce qu’on ne sait point. La Fontaine a dit :
Qu’il cache son savoir, et montre son esprit.
On pourrait recommander le contraire aux gens d’esprit qui ne doutent de rien.
M. Juan Valera a très bien vu que ni le discernement ni le goût n’avaient présidé au choix de M. Adolfo de Castro (Obras escogidas de filósofos) ; mais il n’a rien dit des quelques auteurs qui tiennent dignement leur place dans ce recueil. S’il avait pris la peine de les lire, peut-être n’eût-il pas répété pour la troisième fois, qu’il y a et qu’il n’y a point une philosophie espagnole (p. 225). Singulier dilemme qui prétend accorder deux cléments incompatibles, sic et non. Pour sortir d’embarras, l’ingénieux Cordouan cite une page de M. Gumersindo Laverde Ruiz, professeur en l’université de Saint-Jacques de Compostelle, l’un des tenants de la thèse que le critique indécis attaque et soutient à la fois. L’auteur allégué est tellement convaincu que la philosophie espagnole est une réalité, qu’il ne craint pas d’établir la généalogie des doctrines philosophiques ainsi rangées : averroïsme, maimonisme, lullisme, suarisme, vivisme, gomez-pereirisme, huartisme. Comme qui dirait simplement : Averroès, Maimonide, Ramon Lull, Suarez, Vives, Gomez Pereira, Huarte sont les chefs de file d’une compagnie de philosophes, groupés en colonnes et formant autant de tribus qu’il y a de patriarches.
On a trouvé mieux depuis ; mais l’honneur de l’invention revient tout entier à celui qui osa le premier attacher le grelot, en esquissant à grandes lignes le programme d’une histoire de la philosophie espagnole. Plus de trente philosophes viennent se grouper autour de ces maîtres de la pensée. C’est beaucoup pour une seule nation ; mais abondance de biens ne saurait nuire. Quelle est la terre de promission qui pourrait en fournir autant ? Les apôtres n’étaient que douze ; et les sages de la Grèce se contentaient d’être sept.
Cette classification généalogique n’est pas à beaucoup près aussi ingénieuse que celle d’Auguste Comte en son calendrier. Mais rien n’est parfait au début. D’autres sont venus depuis qui ont allongé