française du dernier siècle : la falsa y mezquina filosofia francesa de la pasada centuria. Avec de telles dispositions d’esprit, on ne saurait se montrer indulgent ni équitable envers les quelques vaillants hommes qui ont cru bien faire en inoculant à l’Espagne la philosophie des peuples qui pensent et dont la pensée n’a point été mise en interdit. De là cette rancune contre Sanz del Rio et cet acharnement contre le plus fidèle et le plus distingué de ses disciples, l’intègre et courageux Salmeron, à qui la réaction ultramontaine ne pardonne point d’avoir maintenu en Espagne les droits de la raison menacés, et, ce qui est encore plus grave, d’avoir osé songer, par un premier essai, à acclimater la République dans le pays de Torquemada et de Philippe II. Inde iræ. Ce sont là des faits accomplis contre lesquels on ne peut que déclamer. Si M. Salmeron n’a pas lieu d’être fier de son ancien élève, du moins peut-il s’applaudir de la fureur que soulève un enseignement qui se résume ainsi : Respect absolu de toutes les libertés, de la raison et de la vie humaine. Cet enseignement est assez nouveau en Espagne, et toute nouveauté déplaît aux partisans de la vieille tradition.
Ce qui indigne particulièrement ces bonnes gens, qui s’appelaient jadis les vieux chrétiens, Cristianos viejos, c’est que les novateurs aillent chercher au dehors, à l’étranger, bien des choses dont l’Espagne, selon eux, est abondamment pourvue. De là ce projet d’une histoire de la philosophie espagnole, dont on ne craint pas de tracer le programme, en y associant la théologie.
Cette science divine n’est point enseignée dans les universités espagnoles. Ce sont les grands séminaires qui en ont le monopole. Une réforme utile, urgente, serait d’arracher la théologie au sanctuaire et de l’introduire dans la Faculté des arts, où elle serait le couronnement des études philosophiques. Séculariser la théologie ! Le projet peut paraître hardi. Mais il n’y a point d’autre moyen de tenir la philosophie en bride et de ramener les beaux temps de la scolastique. En sortant d’une leçon sur Hegel, Auguste Comte ou Darwin, on aurait le plaisir d’entendre l’exposition des maximes de Suarez ou d’Escobar, l’opinion de Molinos sur le quiétisme, ou quelque commentaire égrillard sur le fameux livre De matrimonio du très pudique Sanchez.
La jeunesse espagnole doit vivement souhaiter que le bon ami des évêques devienne ministre de l’instruction publique, afin de pouvoir s’initier, sans passer par le séminaire, aux curiosités théologiques. Il serait piquant de comparer, dans le même local, la maîtresse vieillie et la servante émancipée, et salutaire de trouver l’antidote à côté du poison.