recherches qu’elle a coûtées, je dirai simplement que la teinte plus ou moins foncée ou claire dont chaque département est revêtu correspond au nombre proportionnel, pour 100,000 habitants, de crimes et délits commis, soit à l’intérieur, soit au dehors de ce département, par ceux qui en sont originaires, et par ceux-là seulement. Il est à noter que cette carte, expression la plus complète, on le voit, et la plus vraie de la vertu bienfaisante ou malfaisante inhérente à chaque milieu local, se trouve être celle où les teintes se groupent avec le plus de largeur et de simplicité et commencent à prendre physionomie. Il m’a paru que, dans l’ensemble, elles se divisent en fractions correspondantes aux bassins de nos grands fleuves ; ce qui ne m’étonne pas, étant donné le penchant des riverains d’un même cours d’eau, longtemps l’unique voie de communication, à s’assimiler mutuellement, à réaliser plus tôt que les habitants épars des monts le nivellement de mœurs et d’usages où la civilisation nous précipite. Mais je n’ai pas à développer ce point ici. Bornons-nous à mettre la carte de M. Joly en regard de l’Atlas financier que vient de publier le ministère des Finances et où 36 belles cartes de France expriment, sous autant d’aspects différents, par des teintes graduées, la richesse respective de chaque département. La plupart de cet cartes se confirment, et leur feuillettement, même rapide, ne laisse pas de doute sur les points où se concentrent chez nous, non seulement le luxe, mais l’aisance générale. Eh bien, les départements que cet allas nous montre les plus riches y sont précisément ceux que la carte de M. Joly nous présente comme les plus criminels.
Il est vrai que d’autres cartes nous présenteraient les mêmes déparments comme les plus instruits, les plus civilisés, les plus éclairés par l’irradiation multicolore des grandes villes ou l’excitation féconde de l’étranger le long des frontières. Conclurai-je de là que l’instruction non seulement ne moralise pas, mais déprave ? Non, et je ne me crois pas non plus autorisé par les constatations ci-dessus à maudire la richesse. J’en sais d’autres qui la montrent sous un jour tout autre, salutaire et bienfaisant. Les départements bretons, par exemple, depuis qu’ils sont entrés dans la voie enrichissante des progrès agricoles, voient s’éclaircir leurs teintes sur les cartes de la criminalité. Mais comment accorder ces apparentes antinomies de la statistique ? Tout simplement en reconnaissant la complexité des données du problème que la solution de M. Colajanni simplifie trop. Certainement, l’aisance, surtout l’aisance lentement et laborieusement acquise, solide et générale, est une excellente chose, moralisatrice au plus haut degré ; mais son efficacité peut être recouverte et neutralisée par celle d’autres causes, telles que les passions factices que la richesse engendre, à commencer par la passion de s’enrichir toujours davantage. Or, pour la propagation de ces passions, comme pour celle des activités fécondes d’où naît la richesse, il est un ferment indispensable que M. Colajanni oublie : c’est l’exemple ; l’exemple surtout des grandes villes où ce qu’il y a de pire usurpe souvent l’attention ; mais aussi l’exemple, jusque dans le moindre village,