Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
555
société de psychologie physiologique

impossible de prendre sa photographie, tellement elle était toujours en mouvement. Dès qu’on pénétrait dans le chenil, aussitôt elle poussait des aboiements répétés, incessants, assourdissants, se démenant avec violence. Même lorsqu’on n’entrait pas au chenil, elle était toujours en éveil, agitée et inquiète.

C’est surtout son goût pour la chasse qui était devenu irrésistible. Dès qu’elle sentait l’odeur des lapins, elle devenait comme affolée, furieuse, se précipitant vers cette odeur, et tirant sur sa chaîne avec une telle force qu’elle s’étranglait à demi. Je ne crois pas qu’on puisse souvent voir des chiens animés d’une si grande passion. Alors elle n’écoutait plus rien, et c’était un curieux spectacle que cette extraordinaire ardeur.

Les troubles sensoriels surtout étaient remarquables.

Du côté du toucher et de la sensibilité cutanée, rien de bien appréciable. De même pour l’ouïe ; elle entendait parfaitement ; elle savait même distinguer d’où venait le son. Quand elle était dans le chenil, si on rappelait en se mettant à la fenêtre, elle levait la tête et dirigeait les yeux du côté d’où partait le son. Si l’on jetait un objet par terre, elle se tournait du côté où elle jugeait le bruit.

Au contraire des troubles visuels considérables ont pu être constatés. Je ne parle pas de ceux qu’on a observés immédiatement après l’opération, mais bien de ceux que nous avons observés longtemps après, et qui se sont maintenus presque sans changement pendant un intervalle de neuf mois.

Les mouvements de l’iris étaient conservés, mouvements réflexes sous l’influence de la lumière. L’iris était, il est vrai, un peu plus dilaté que chez les autres chiens. Mais, quand on éclairait la rétine, il se contractait très bien. Cette dilatation de la pupille donnait, au regard de notre chienne, un aspect un peu hagard, d’autant plus qu’elle ne fixait pour ainsi dire jamais aucun objet avec ses deux yeux.

Elle se dirigeait bien, et ne se heurtait pas contre les obstacles mis sur son passage. Probablement elle était un peu moins adroite que les autres chiens à se guider dans une pièce encombrée de chaises et d’obstacles. Mais c’était fort peu de chose, et, par une porte entre-bâillée, elle savait passer sans se heurter, contourner des chaises et se conduire sans heurt.

Elle voyait les objets en tant qu’obstacles ; mais elle ne reconnaissait pas leur nature.

En effet, quand on lui présentait un lapin, aussitôt elle devenait furieuse, et cherchait à se précipiter sur lui : mais elle ne pouvait pas le voir, et c’est par l’odorat uniquement qu’elle guidait ses mouvements. On mettait un lapin sur une table, de manière à ce qu’elle puisse bien le voir. Alors elle cherchait de tous côtés, flairant avec une ardeur prodigieuse, à droite et à gauche, ne voyant pas cependant ce lapin qui lui crevait les yeux (pour se servir d’une expression vulgaire, mais qui rend parfaitement la scène). Si l’on tenait ce lapin à la