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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

par exemple, emporte toujours avec elle une sensation sans laquelle elle n’existerait pas comme volonté, car le concept de volonté inactive et inconsciente est vide de sens. Mais pour être toujours unie à quelque élément de représentation ou tout au moins de sensation, la volonté n’en est pas moins un principe distinct et même le principe fondamental de toute existence psychique.

Bien des preuves peuvent être invoquées pour établir que c’est la volonté qui est le facteur essentiel de la conscience, tandis que la représentation est un phénomène dérivé et secondaire. Celles que M. Wundt paraît considérer comme les plus fortes sont les suivantes :

1o Dès les premiers jours de la vie, par un instinct aussi sûr qu’irréfléchi, la conscience naïve projette hors d’elle-même ses représentations et en fait quelque chose d’étranger à notre personnalité. Il y a sans doute dans cette projection hors du moi une part d’illusion, car une représentation ne saurait être séparée du moi conscient qui la perçoit. Toutefois cette tendance irrésistible à extérioriser l’objet représenté ne peut nous tromper absolument. Ne pourrait-elle pas être considérée comme une preuve que la représentation exprime non l’essence du sujet pensant, mais ses relations avec des réalités extérieures ? Ce qui doit nous confirmer dans cette opinion, c’est l’accord qui peut s’établir entre des consciences diverses sur la nature des caractères de l’objet représenté. Si les représentations d’un sujet peuvent coïncider avec celles d’un autre sujet, la seule explication de ce fait, si l’on ne veut pas accepter le miracle de l’harmonie préétablie, c’est que ces représentations expriment les rapports de ces deux sujets avec les mêmes réalités extérieures. Au contraire, non seulement nous n’avons aucune tendance à projeter au dehors nos émotions et nos volitions, mais encore cette projection nous semble dès l’abord impossible et absurde. Le sentir et le vouloir sont choses individuelles, et si nous prétendons que les autres voient et touchent l’objet que nous voyons et touchons, nous comprendrions moins bien qu’ils sentissent ce que nous sentons, qu’ils pussent vouloir ce que nous voulons. L’essence de notre être, c’est donc, la philosophie l’affirme d’accord avec le bon sens, le vouloir et le sentiment qui résulte du vouloir.

2o Les représentations, les idées sont impersonnelles ; si le sujet était un simple centre de représentation, un miroir passif de l’univers, il se confondrait, nous l’avons vu, avec cet univers. Le moi ne peut prendre conscience de lui-même qu’à la condition de réagir sur ces représentations qui lui sont données et d’y répondre par des sentiments. C’est donc l’activité par laquelle je réagis, l’activité source de mes émotions, qui constitue l’essence de l’être personnel.