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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/600

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fondre la volonté avec ces dernières sensations et tout particulièrement avec les sensations musculaires. La volonté aurait ainsi tous les caractères d’une sensation centripète ordinaire ; elle ne différerait pas en nature du chaud ou du froid, du bleu ou du rouge. Mais, sans même invoquer l’évidence du témoignage immédiat de la conscience, qui voit dans toute volition un acte émané de notre personnalité, tandis que la sensation lui paraît quelque chose d’extérieur, de donné, d’étranger au moi, on peut réfuter par des expériences et des observations précises cette opinion paradoxale. D’abord la volonté ne manifeste pas seulement son activité dans la contraction musculaire. L’aperception par l’attention d’une liaison logique d’idées est un acte volontaire de même nature que l’acte de se lever ou de marcher, et qui pourtant ne s’unit à aucune sensation musculaire. On ne comprend pas d’ailleurs comment cette sensation d’effort musculaire, qu’on veut décorer du nom de volonté, pourrait servir de principe au jugement ou au raisonnement. On pourrait encore faire remarquer aux physiologistes qui ramènent la volonté au sens musculaire, qu’on peut produire expérimentalement, par l’électricité par exemple, une sensation de contraction musculaire sans que nous ayons la moindre conscience d’un vouloir déployé.

La difficulté que la psychologie paraît éprouver quelquefois à distinguer les deux éléments dont se compose la conscience, à séparer nettement la volonté de la représentation, et à rendre au vouloir sa véritable place, tient surtout à ce que la volonté ne nous est jamais donnée comme un acte pur, mais comme une sorte d’accompagnement de nos représentations. Or les représentations attirent à elles le meilleur de notre attention, elles semblent occuper à elles seules tout le champ de la conscience ; aussi avons-nous quelque peine à nous habituer à l’idée que les éléments d’émotion et d’action qui s’ajoutent aux représentations, constituent un facteur distinct de la conscience, bien plus le facteur le plus profond, le plus réel. Mais une philosophie critique ne doit pas se laisser égarer par le fait de l’union constante de la représentation et de la volonté ; elle doit comprendre bien plutôt le pourquoi de cette union. Tout vouloir suppose un contenu auquel il s’applique. Le vouloir ne saurait s’exercer à vide, or une volonté qui n’agirait pas, et qui ne prendrait pas conscience d’elle-même en agissant, ne mériterait plus le nom de volonté. Mais pour agir et pour arriver à la conscience d’elle-même, la volonté a besoin d’une matière et cette matière, seules les représentations la lui peuvent fournir. Il ne peut donc pas y avoir de volonté sans représentation. M. Wundt soutiendra que la volonté dans ses formes les plus simples, celle qu’on peut attribuer au protozoaire