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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/612

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semble constitue sa famille, sa race, sa patrie. Il pourra même concevoir une synthèse possible de toutes les races, de toutes les sociétés, dans un vaste tout qui comprendrait l’humanité entière, et c’est alors la formation de ce tout qui deviendra la fin de son activité.

Mais cet idéal de l’unité de la société humaine ne peut pas être encore considéré comme un idéal dernier. L’humanité n’est qu’une infime portion de l’univers. L’ontologie doit ici mettre à profit les leçons de la cosmologie, qui lui donne l’idée de l’immensité du monde et par conséquent de l’infinité du nombre des volontés. Elle reconnaîtra alors l’impossibilité de s’arrêter à l’idéal éthique de l’unité humaine. C’est l’union de toutes les humanités existantes (car il n’est guère probable que notre humanité soit seule de son espèce dans le monde infini), c’est l’union de toutes les volontés éparses dans l’univers, qui constitue l’idéal le plus élevé que la morale puisse rêver. Nous ne pouvons travailler que de bien loin, il est vrai, à la réalisation de cet idéal, que nous avons même quelque peine à concevoir. C’est lui pourtant qui représente la perfection suprême et, si nos efforts pour réaliser l’unité de nos sociétés terrestres, nous paraissent avoir quelque valeur, le principe de cette valeur est dans l’unité dernière à laquelle ils concourent de loin.

De l’idée de perfection morale à l’idée de Dieu la transition est facile, puisque Dieu est, par définition, perfection absolue, idéal de la moralité. L’idée de Dieu est le fruit du besoin qu’éprouve notre pensée de découvrir un principe suprême de bonté auquel il soit possible de ramener, comme à sa raison dernière, l’idéal borné de la perfection humaine. Nous venons de voir que l’idéal de l’union de toutes les volontés humaines en un tout harmonieux nous conduisait, par un progrès nécessaire, à l’idéal plus élevé d’une unité qui embrasserait toutes les volontés, tous les groupes de volontés disséminés dans l’univers. Or nous savons que des volontés organisées, devenues solidaires les unes des autres, donnent naissance à des volontés d’ordre supérieur, qui, malgré leur complexité (puisqu’elles sont pour ainsi dire des résultantes), n’en sont pas moins des êtres parfaitement réels et uns. Nous avons vu dans l’être humain, dans la famille, dans la nation, des exemples de ces volontés à la fois unes et composées. Or chacune de ces volontés qui embrasse un nombre de plus en plus considérable de volontés inférieures représente un progrès vers la perfection ; il y a plus de réalité, plus d’être dans la volonté d’une personne que dans la volonté d’une cellule, dans la volonté de la race ou de la nation que dans la volonté de la personne. Pourquoi donc ne pas concevoir une volonté suprême qui serait l’unité de toutes les volontés du monde, qui rassemblerait en