ments matériels, la philosophie ne trouve plus aucune difficulté à chercher le réel dans le seul monde que nous connaissions directement, dans le seul qui existe pour nous et qui peut-être existe absolument dans le monde de l’immédiate intuition. Cette opinion nous semble être bien voisine de celle que M. Fouillée soutient dans son dernier ouvrage, l’Avenir de la Métaphysique. M. Fouillée, comme M. Wundt, propose à la métaphysique une méthode qui ne diffère pas essentiellement de celle de la science ; il pense qu’aujourd’hui la métaphysique doit être « expérimentale » et prendre pour tâche de découvrir les « éléments nécessaires de l’expérience ». « La métaphysique, dit-il, n’est chimérique que si on suppose la réalité toute en dehors de la conscience et de l’expérience, c’est-à-dire du sujet pensant ; mais la métaphysique est progressivement réalisable si on admet que la réalité est partiellement enveloppée dans l’expérience même » ; et plus loin : « Elle doit raisonner par analogie avec la seule réalité que nous puissions atteindre, celle de la conscience[1]. » Certainement M. Fouillée et M. Wundt suivent la même méthode et l’on pourra se convaincre, par la lecture des derniers articles publiés par M. Fouillée dans la Revue philosophique, que les résultats auxquels ils arrivent ne diffèrent pas radicalement.
À vrai dire, cette méthode expérimentale peut conduire à une philosophie de la représentation et de l’idée, aussi bien qu’à une philosophie de la volonté. Ainsi M. Fouillée semble plutôt disposé à chercher le réel dans l’idée, à laquelle la force s’ajoute comme attribut, comme attribut essentiel, il est vrai. En identifiant l’être avec la volonté dont la représentation et l’idée sont seulement les auxiliaires, auxiliaires, il est vrai, indispensables, M. Wundt obéit à une tendance qui depuis longtemps déjà écarte la métaphysique allemande de l’idéalisme. Déjà chez Hegel (la remarque est de M. Wundt), l’esprit universel, qui n’est plus une substance inerte, devient un principe essentiellement actif et créateur, il est volonté, autant qu’il est idée. Le grand mérite de Schopenhauer, dit encore M. Wundt, est d’avoir dégagé une idée toute prête à éclore en Allemagne depuis Hegel et d’avoir énergiquement affirmé la primauté de la volonté relativement à l’idée[2]. Schopenhauer eut seulement le tort d’affirmer beaucoup et de peu démontrer et de préférer trop souvent les traits d’esprit, les saillies humoristiques, les comparaisons piquantes aux arguments. D’autre part la philosophie pouvait difficilement accepter cette idée d’une volonté universelle unique, qui sup-