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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/614

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même tout : d’un côté l’ordre des intuitions subjectives, de l’autre l’ordre des représentations objectives élaborées et transformées en concepts.

C’est en vertu du même principe que notre pensée cherche à dépasser l’expérience, car l’expérience, en effet, ne lui fournit pas les éléments d’une véritable unité. C’est pour créer cette unité, qui seule peut la satisfaire, qu’elle construit les hypothèses transcendantes au moyen desquelles elle espère ramener à des systèmes unifiés nos connaissances cosmologiques et psychologiques. Enfin c’est encore le principe de raison qui donne naissance aux hypothèses ontologiques dont l’objet est de réconcilier dans une unité dernière la cosmologie et la psychologie. L’idée de l’organisation des volontés, de l’harmonie progressive de tous les êtres, de la formation d’une volonté totale et une embrassant l’univers entier est un suprême et dernier effort de la pensée pour arriver à l’unité définitive absolue qui seule peut lui donner le repos.

Il n’est pas difficile de découvrir dans le système de M. Wundt la manifestation de certaines tendances qui se font jour depuis quelque temps non seulement dans la philosophie allemande, mais encore dans la philosophie française. La métaphysique de M. Wundt n’est pas en ce sens un fait isolé ; elle paraît au contraire répondre à un état général de l’esprit philosophique, état que de récents ouvrages nous ont permis de constater en France. Nous indiquerons brièvement en terminant les traits qui nous semblent établir une sorte de lien de parenté entre les doctrines de M. Wundt et celle de quelques-uns de nos métaphysiciens français contemporains.

Nous remarquerons tout d’abord le caractère empirique de la méthode que suit M. Wundt. C’est dans l’expérience et tout particulièrement dans l’expérience la plus immédiate, celle de la conscience, qu’il cherche l’absolu. La distinction établie par Kant entre le monde des phénomènes seuls connaissables et le monde inaccessible des choses en soi et des noumènes, est beaucoup trop radicale, elle est même artificielle. Pourquoi le réel n’aurait-il pas conscience de lui-même ? Pourquoi croire qu’il existe quelque part dans un monde qui échappe à nos moyens de connaître, d’autres réalités que celles dont nous avons conscience ? Au fond, toute philosophie qui parle de choses en soi radicalement distinctes de ce que nous pouvons saisir par la conscience, est une philosophie incomplètement affranchie de la notion si difficile à déraciner de substance immatérielle. Mais une fois le concept de substance rejeté de la métaphysique et relégué dans le domaine de la physique, où il a la signification d’un simple substratum constant des change-