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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/619

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p. regnaud. — des fonctions casuelles

peuvent fournir des moyens positifs de les éclaircir appartiennent à la linguistique, c’est à cette science qu’il faut demander les seuls éléments d’information auxquels il y ait à recourir en semblable matière.

I

Le lecteur voudra bien me permettre de rappeler tout d’abord que j’ai déjà eu l’occasion de traiter la question de la naissance des cas dans mon livre sur l’Origine et la Philosophie du langage. Je reconnaîtrai du reste sans peine que la théorie que j’y ai soumise aux savants sur ce point difficile était dans mon esprit essentiellement provisoire. Après avoir posé en principe ce fait dont je suis plus que jamais convaincu, que la plupart des désinences actuelles dans les langues indo-européennes sont le résultat des modifications phonétiques d’une même finale primitive, j’ajoutais que la création et l’emploi des cas avaient dû précéder le développement de la phrase, et j’en donnais pour raison que si la phrase avait pu se constituer sans l’usage des cas, on n’entrevoyait ni la raison ni la possibilité de la substitution de ce nouveau mode d’expression des nuances de la pensée à celui dont on s’était contenté précédemment. Mais alors l’attribution de la valeur significative de chaque cas aux formes correspondantes du langage ne pouvait guère s’expliquer que par une concomitance du geste et de l’expression, de telle sorte qu’un mouvement du bras, par exemple, marquant une direction du sujet vers l’objet, avait dû contribuer à attacher l’idée exprimée par l’accusatif à la forme casuelle qui lui est propre, et ainsi de suite pour chacune des relations indiquées par les autres cas.

Toutefois, je contrevenais par là à un principe qui m’avait guidé dans toutes mes recherches sur le développement primitif du langage parlé, à savoir qu’il constitue un organisme dont toute la mécanique, pour ainsi parler, est à lui. Dès le principe il a vécu de ses propres ressources et s’est développé grâce à l’énergie expansive de forces qui lui sont inhérentes. Du reste, n’y a-t-il pas lieu de croire qu’il a pris naissance et s’est accru parallèlement à cet autre moyen d’expression appelé le langage des gestes, qu’un même état intellectuel a présidé à leur évolution commune ? et dans cette hypothèse si vraisemblable, que devient celle de l’éducation de l’un par l’autre ?

Ces objections, qui ont pris de plus en plus d’importance à mes yeux, m’ont empêché de considérer la question comme définitivement résolue ; je n’ai pas cessé d’y réfléchir et d’examiner les faits