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ports différents entre l’objet dont cet adjectif exprime la qualité et les différents sujets auxquels cette qualité peut se trouver appliquée. Ces rapports sont, d’après les exemples qui précèdent :

celui du sujet avec le but auquel il tend (accusatif),
ou avec l’objet qui l’emploie (instrumental),
ou avec l’objet qu’il envoie (datif),
ou avec l’objet dont il s’éloigne (ablatif),
ou avec l’objet qu’il possède (génitif),
ou enfin avec l’objet qui le contient (locatif)[1].

En résumé et toujours à vue des exemples donnés plus haut, céleste est une sorte d’adjectif général, eu égard aux adjectifs particuliers qui forment les cas régimes du mot ciel (ou dans la construction française les prépositions suivies de leur complément, à sens correspondant) ; autrement dit, la déclinaison a eu pour effet de créer autant d’adjectifs particuliers ou analytiques auprès de cet adjectif général ou synthétique dont ils sont la monnaie, qu’elle comprend de cas régimes.

À ce point de vue le latin, comme le français, est à la fois synthétique et analytique, puisque les deux langues ont conservé dans une certaine mesure la faculté d’employer l’adjectif général auprès des cas qui le remplacent en l’analysant ou de leurs substituts, à savoir les prépositions suivies de leurs régimes.

On voit par là que le latin avait à son service en pareille matière trois moyens différents d’expression : l’adjectif général, les cas régimes de la déclinaison, et les prépositions avec leurs régimes.

Le français n’en a gardé que deux : le premier qui est antérieur à

  1. Ces rapports sont les principaux de ceux qui peuvent exister entre un sujet et un objet, ce qui revient à dire que pour être complète la déclinaison devrait posséder autant de cas qu’il y a de catégories, au sens aristotélicien du mot.

    Mais une question se présente à propos de la nature des adjectifs qui ont pour but de marquer les rapports en question (dans « habitant céleste, don céleste », etc.). Ont-ils la même valeur logique et remplissent-ils la même fonction que les adjectifs qualificatifs ou attributifs (dans « homme brun », etc.) qui, nous l’avons vu, spécifient l’individu en ajoutant à la mention du genre auquel il appartient celle d’une qualité qui lui est propre ? Je n’hésite pas à répondre par l’affirmative. Dans les deux cas, il s’agit d’une détermination individuelle et qui exige la combinaison de deux idées génériques, l’une essentielle et l’autre accidentelle : homme blanc (adj. attributif), blancheur humaine (adj. de relation) ; l’homme pourrait ne pas être blanc ; le blanc ou la blancheur pourrait s’appliquer à toute autre chose qu’à l’homme.



    Il suit de là d’ailleurs non seulement que l’économie du langage est fondée sur la relation et que l’objet en soi est innomable, mais encore qu’elle est essentiellement nominaliste, puisqu’elle implique ce principe que l’individu échappe toujours par un côté aux caractères sur lesquels repose la notion absolue du genre dans lequel il se range.