libre arbitre ou liberté de choix… Cette opinion (soutenue par Descartes) a été reprise au commencement de notre siècle par M. Cousin : pour lui, le libre arbitre est une arme à deux tranchants : il la définit la faculté de prendre une décision avec la conscience de pouvoir prendre le parti contraire. — Ici une citation. — Elle a été soutenue et développée par tous les philosophes de l’École spiritualiste, M. J. Simon, M. Saisset, M. A. Jacques, M. Bouillier, M. Vacherot. Nul ne l’a exprimée en termes plus précis que M. Janet : « Le libre arbitre suppose une condition manifeste, à savoir la possibilité des contraires ». « Pour nous, écrit M. Joyau, nous repoussons absolument cette doctrine ; nous nous refusons à faire du pouvoir de pécher le caractère et la condition de la liberté ou, en d’autres termes, à attribuer le mal à une libre détermination de la volonté… Nous pensons, au contraire, que la liberté est déterminée au bien par sa nature même, que son principe et sa condition sont l’existence d’une loi catégoriquement impérative… Nous croyons avoir montré que l’on se peut faire de la liberté une notion précise et déterminée et que cette notion est celle d’un pouvoir positif, selon le mot de Descartes. Et si cette notion est toute négative, est-il possible d’en faire la clef de voûte de toute la morale ? Toutes les fois que nous agissons librement, c’est le bien que nous faisons ; si nous commettons le mal, c’est que nous nous laissons asservir par des influences extérieures. » Jusqu’ici un déterministe approuverait.
Reste à savoir s’il approuverait la fin du paragraphe ; la voici : « Mais comme c’est volontairement et par notre faute que nous sommes esclaves, nous sommes responsables de la perte de notre indépendance. » Approuverait-il ? Cela dépend. Que veulent dire ces mots : volontairement et par notre faute ? Revenons de quelques pages en arrière et lisons avec soin : « Rendons-nous un compte exact de notre condition. L’action déterminante que les causes extérieures exercent sur notre volonté est un phénomène naturel, qui ne peut pas ne pas se produire et qui est régi par des lois nécessaires. Nous apportons en venant au monde un certain tempérament ; l’accomplissement des phénomènes vitaux, le mode de fonctionnement de nos organes corporels est pour nous le principe de beaucoup de plaisirs et de beaucoup de douleurs. Un grand nombre d’autres sensations nous sont fournies, un grand nombre d’idées nous sont suggérées par les circonstances dans lesquelles nous sommes placés, par les objets et les êtres dont nous sommes entourés, par les exemples que nous avons sous les yeux, par le milieu cosmique et surtout social où nous vivons, par les actions enfin que nous accomplissons : ainsi prennent naissance des inclinations, des tendances, des passions, des habitudes qui, abandonnées à elles-mêmes, deviennent de plus en plus impérieuses. Que dis-je ? elles sont continuellement fortifiées et excitées par la répétition des mêmes circonstances. La spontanéité naturelle de notre activité, la tendance interne qui nous porte à faire ce qui est raisonnable et bon, ne peut se manifester qu’à condition de triompher de tous ses adversaires.