qui aient jamais divisé les philosophes. M. Joyau veut simplement dire qu’en s’éclairant de la lumière naturelle, de l’expérience psychologique sincèrement interrogée, on obtient une suite de réponses précises et qu’il n’y a rien à chercher au delà.
Après cette Introduction, M. Joyau traite du fatalisme. On peut s’étonner qu’il croie devoir s’en prendre encore à cette conception décidément trop vieillie pour mériter l’honneur d’une discussion nouvelle. Il est vrai que par fatalisme l’auteur entend non seulement la croyance au destin inéluctable, mais encore la thèse de l’enchaînement nécessaire des effets et des causes. Entre celle-ci et celle-là, l’écart est considérable, et si M. Joyau a entrepris de louables efforts pour le rendre insensible, on peut douter, ce nous semble, qu’il ait obtenu gain de cause. De plus, j’ai beau faire, la différence que l’on propose d’établir entre le « fatalisme » et le « déterminisme » me paraît tout ce qu’il y a de plus artificiel. Dira-t-on que l’un nie le libre arbitre à priori, que l’autre le rejette pour des motifs empiriques ? Soit : reste à savoir si, par exemple, les savants qui admettent le principe de la conservation de l’énergie, posent ce principe à priori sans interroger l’expérience. Or M. Joyau sait bien que ce principe, s’il ne date pas d’hier, ne date pas, non plus, des origines de l’humanité. « Si le fatalisme est en réalité un système de métaphysique, le déterminisme se présente avec tous les caractères d’une théorie exclusivement scientifique. » (P. 25.) Exclusivement est de trop. Or si nous supprimons l’adverbe, et il le faut supprimer, il reste que la dose de métaphysique est moins forte chez les déterministes, plus forte chez les fatalistes. Telle est, du moins, l’opinion de M. Joyau. Cependant les « fatalistes » (j’entends les modernes) sont tous ou presque tous des savants ; au contraire, les « déterministes » cités par l’auteur, sont Kant, Feuerbach, Taine, Ribot, tous métaphysiciens ou philosophes. Enfin n’est-il pas arbitraire de ne laisser prendre le nom de déterministes qu’aux psychologues partisans du caractère nécessitant des motifs ?
Gêné par le principe de la conservation de la force, M. Joyau ne peut manquer de l’être par le déterminisme psychologique qui « refuse à l’âme toute activité, toute indépendance, qui l’asservit à l’influence des motifs et a la domination du motif le plus fort ; la conscience proteste avec vivacité » (p. 66). — Alors si elle proteste, c’est que l’âme est libre ? — Sans doute. — Libre d’une liberté de choix ? — Point. — Mais c’est le déterminisme qui l’emporte ! — Aucunement. M. Joyau n’acceptera jamais l’épithèse de déterministe : il croit au devoir impératif, à une règle des mœurs obligatoires ; il est, en cela, d’un kantisme irréprobable. Mais comment être déterministe et croire à la raison pratique ?
Et cependant, ou mon erreur est grossière, ou il me paraît clair, jusqu’à l’évidence, qu’un déterministe contresignerait ce qu’on lit aux pages 184, 185 et 186 de la Liberté morale : « Beaucoup de philosophes Soutiennent que l’attribut essentiel de la personne humaine, c’est le