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g. belot. — théorie nouvelle de la liberté

indéterminées ; elles ne le sont pas pour cela en réalité. Or justement parce que nous ne pouvons nous en rendre compte, nous ne saurions non plus les dominer ni les diriger. Est-ce donc alors que nous sommes libres ?

M. Bergson reconnaît d’ailleurs que dans l’effort, l’acte est déjà « préformé à l’état d’idée ». Mais exister à l’état d’idée, est-ce, comme il le veut, exister à l’état de pur possible’? Il nous semble que les résultats les plus généraux et les plus certains de la psychologie contemporaine tendent au contraire à établir que toute idée d’acte suppose un commencement d’acte dont elle est la traduction dans la conscience ; la présence même de l’idée dans la conscience atteste que l’acte est déjà commencé. Sans doute il ne s’achève pas toujours, mais cela tient simplement à ce que cette idée n’est pas toute seule et que l’acte commencé est interrompu par d’autres commencements ; il n’en faut pas conclure qu’il n’existait qu’à l’état de pur possible. Ainsi de deux choses l’une : ou l’idée est vide, contemplative, inerte et non accompagnée d’éléments moteurs qui se révèlent à la conscience sous la forme d’une appétition ; mais alors comment trouverait-on là rien qui ressemble au dynamisme psychique ? ou bien l’idée est force, et cela signifie seulement qu’elle exprime un acte déjà préparé, déjà commencé, déjà déterminé par conséquent dans une partie de ses conditions.

Nous pouvons maintenant, comme M. Bergson, nous reporter à la notion de causalité et essayer d’y faire la part du subjectif et de l’objectif. Si, comme M. Bergson lui-même l’a si fortement établi, la vie psychique est caractérisée par la pénétration intime de ses états successifs (durée concrète), ce qui viendra de la conscience ce sera précisément l’idée de la liaison constante des parties du temps et de l’impossibilité d’un présent absolu, et non, comme il le pense, l’idée d’une indépendance de ces parties. Descartes pouvait croire à cette indépendance des parties du temps justement parce qu’il se plaçait au point de vue objectif d’une durée abstraite, d’un temps homogène analogue à l’espace, et dont les moments paraissent dès lors extérieurs les uns aux autres. C’est de la conscience, de l’expérience subjective que part la protestation contre ce manque de liaison. C’est parce que nous ne la pouvons souffrir ni la comprendre en nous que, dans l’objectif, nous rétablissons sous la forme d’une équivalence mathématique le lien, l’intériorité des moments du temps les uns les autres. Nous croyons donc pouvoir soutenir que ce qui vient du dedans, c’est précisément l’affirmation de la liaison, de la détermination ; ce qui vient du dehors, c’est seulement la forme mathématique que nous sommes obligés de donner pour appliquer au