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agents physiques (chaleur, son, tension électrique, etc.) déterminent une tension préalable des muscles qui les met dans un état tel qu’ils agissent plus énergiquement et plus rapidement h un signal donné, c*est-à-dire qu’ils déterminent les effets physiques de l’attention. « Le son est une cause d’excitation, il arrache subitement l’organisme au repos… Il détermine une sorte d’extension générale », dit Gratiolet[1], qui met bien en évidence les effets musculaires.

Les effets heureux des excitations périphériques sur l’activité intellectuelle sont d’ailleurs mis en lumière par le soin que certains individus mettent à s’entourer d’objets qui flattent les sens lorsqu’ils travaillent, comme Buffon, Haydn[2]. Ce besoin d’excitation sensorielle se manifeste encore chez ceux qui font un usage modéré du tabac, ou de substances du même genre, ou chez ceux qui recherchent des sensations bizarres, comme Schiller qui ne pouvait travailler que quand il sentait l’odeur des pommes pourries qui remplissaient le tiroir de sa table[3].

Toutes ces excitations réalisent les conditions de l’attention d’origine externe ou réflexe. Nous allons voir qu’il n’y a aucune raison d’admettre que l’attention dite volontaire, attention provoquée par des représentations d’excitations externes, attention réflexe aussi, ait d’autres bases physiologiques.

Cette modification de l’énergie et de la rapidité des mouvements est en rapport avec des modifications de la circulation et de la nutrition. J’ai déjà rapporté des expériences nombreuses qui mettent en lumière la relation qui existe entre l’état de la nutrition et l’activité des phénomènes psychiques. J’ajouterai un groupe de faits qui ne sont pas sans intérêt. Non seulement ces modifications de l’énergie et de la vitesse des mouvements se manifestent sous l’influence de l’ingestion ou de l’inhalation d’excitants diffusibles qui peuvent être considérés dans une certaine mesure comme des excitants sensoriels, mais on la voit encore se produire sous l’influence de modifications de la pression atmosphérique.

On a noté depuis longtemps que, sous l’influence de la raréfaction de l’air (mal des montagnes, mal des ballons), il se produit une diminution de la force musculaire et un remarquable état de torpeur cérébrale ; sous l’influence d’une augmentation de pression. au contraire, on a signalé un état d’excitation et même une sorte d’ivresse. Les dégénérés, les névropathes et peut-être en parti-

  1. Gratiolet. La physionomie et les mouvements d’expression, p. 236.
  2. Carpenter, Principles of mental physiology, 6e édit., 1881. p. 278.
  3. Gœthe. Conversations, t.  I, p. 403.