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ch. féré. — physiologie de l’attention

les hommes de génie, comme l’a noté M. Lombroso[1] en citant Giordani et Maine de Biran, paraissent plus sensibles à ces influences de la pression. L’exemple de Goethe[2] est peut-être plus intéressant : « Ainsi, dit-il, je travaille plus facilement quand le baromètre est élevé que lorsqu’il est bas ; comme je sais cela, quand le baromètre est bas, je cherche par une tension plus forte de mon esprit à combattre l’influence mauvaise. »

Grâce à l’obligeance de M. le Dr Dupont, directeur d’un établissement aérothérapique, j’ai pu me soumettre avec un de mes aides à des augmentations de pression variant de 0,25 à 0,35 et nous avons constaté que lorsque l’équilibre est établi, le temps de réaction diminue de 3/15, 4/16, 5/21, tandis que l’énergie du même mouvement augmentait de 5/45, 8/60, 6/52[3].

Les modifications du temps de réaction qui se produisent sous l’influence des excitations externes ou internes ou de modifications de la nutrition, rapprochées des modifications concordantes de l’énergie du travail musculaire et de la forme de la courbe qui représente graphiquement ce travail, paraissent montrer que ces diverses causes déterminent un état particulier des muscles, une tension préalable qui constitue en quelque sorte une attention réflexe ou organique, vitale, comme dit Cabanis[4]. Or, ces mêmes modifications du temps de réaction et de l’énergie des mouvements se reproduisent sous l’influence de l’attention dite volontaire (par excitation interne, par représentation). Il paraît donc vraisemblable que cette attention a une condition physiologique analogue à celle qui est déterminée par la constitution du milieu ou par ces excitations externes, et que ce doit être une tension préalable des muscles.

Dans le but de me rendre compte du rôle de la tension musculaire dans l’attention, j’ai entrepris sur une douzaine de sujets (personnel médical et administratif de mon service, enfants, épileptiques) des expériences qui m’ont donné quelques résultats assez intéressants[5] :

Après avoir simplement immobilisé l’avant-bras et la main gauche du sujet comme pour les expériences avec l’ergographe de

  1. Lombroso, L’homme de génie, p. 135.
  2. Gœthe, Conversations, t.  Il, p. 223.
  3. M. Dupont nous a fait remarquer que, parmi les malades qui séjournent dans les appareils, trois sur cinq environ dorment ; mais il faut noter que ce sont en général des anémiques et des asthmatiques, qui ne dorment pas la nuit et qui sont soulagés de leur dyspnée par l’augmentation de pression.
  4. Cabanis, Des rapports du physique et du moral, etc., 1802, t.  II, p. 192.
  5. Note sur la physiologie de l’attention (C. R. Soc. de Biologie, 1890, p. 484.