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SUR LE PRINCIPE DE CAUSALITÉ


Le rôle de la philosophie ne saurait être plus justifié que lorsqu’elle étudie le sens et la portée des notions fondamentales de la pensée. Tant qu’on ne sera pas au clair sur ce point, une foule de discussions dans tous les domaines continueront à être incertaines ou viciées. M. Lalande a donc bien fait, dans le dernier numéro de la Revue, de porter encore une fois la question du principe de causalité devant le public philosophique. Nous croyons également bien faire en ajoutant ou en opposant quelques remarques à sa conclusion, M. Lalande affirme que le principe de causalité, même entendu au sens empiriste, n’a qu’une valeur approximative et provisoire ; qu’il correspond à une conception encore enfantine des choses ; qu’il faut lui substituer le principe de la continuité et de l’identité mathématique. Et certainement cette thèse, défendue avec beaucoup de talent, contient d’importants éléments de vérité. Cependant elle nous semble contenir aussi quelques confusions, et les raisonnements sur lesquels elle se fonde ne nous paraissent pas tous avoir la porté voulue.

C’est avec raison d’abord que M. L. établit la solidarité du concept de cause avec celui de la distinction et de la discontinuité réelles dans les phénomènes. « Qu’on donne au principe de causalité, dit-il, telle forme qu’on voudra, il exigera toujours que le monde soit un composé d’élémen’s ultimes, mélangés sans doute d’une façon singulièrement complexe, mais étant et demeurant en eux-mêmes des unités discontinues. » Il nous semblerait également juste de réclamer la suffisance de chacune de ces unités pour la détermination causale de leurs conséquents immédiats. Si les rapports de causalité n’avaient pas lieu exclusivement entre deux faits, si la cause débordait l’antécédent immédiat, comme il n’y aurait pas de raison pour qu’elle s’arrêtât ici plutôt que là, et qu’il laudrait étendre la causalité à l’iniini, on n’aurait jamais la cause suffisante, la vraie cause. Ainsi que le dit M. L…, on pourrait considérer la cause « ad libitum comme infinie ou comme nulle ». Donc, que le monde nous offre des antécédents réellement distincts et rigoureusement suffisants, ou bien qu’on renonce au principe de causalité.

Mais c’est à tort, nous semble-t-il, que M. L… résout négativement la question ainsi posée. Le monde, pense-t-il, ne nous offre point d’an-