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licisme sans christianisme ; à mon sens, c’est là un assez bel éloge. Il y a plaisir à voir une doctrine, une institution fortement coordonnée, l’organisation de la science, la hiérarchie des sciences abstraites, la méthode subjective, la fondation de la sociologie comme science, et la subordination de toutes nos connaissances à la sociologie : tout cela forme un ensemble qui n’est pas sans grandeur, et auquel, qu’on soit ou non un disciple de Comte, on ne peut guère, à bon droit, refuser son admiration, étant donne surtout que l’admiration en philosophie est soment une admiration purement esthétique.

Mais si nous nous posons la question de la vérité de la doctrine, de graves objections se présentent ; parmi des vérités profondes, on trouve des erreurs singulières, et l’ensemble même du système, malgré ses hautes qualités, nous paraît inacceptable. En lisant le livre de M. Laffitte, le positivisme m’est apparu comme un système mort, trop étroit et incapable de s’élargir. Nous croyons que les temps ne sont pas venus encore de faire entrer le monde dans des formules philosophiques déclarées immuables. On sent trop que le siège des positivistes est fait, et c’est un défaut grave pour une philosophie universelle qui est achevée dès maintenant, ou peut s’en faut. Le positivisme est trop, comme l’appelle M. Laffitte, en dogme. Les dogmes sont le défaut général de ne pas se tenir au courant de la science. En psychologie, nous en sommes encore à la classification d’Auguste Comte, « si parfaite, on peut le dire, que depuis trente ans qu’elle a vu le jour, il n’est pas une observation sérieuse qui ne soit venue la consolider ». Voici un bref résumé de cette classification. « Auguste Comte fait du cerveau trois parts : le sentiment, l’intelligence et le caractère. Avec Gall et tous ceux qui ont fait leur étude du cerveau, il consacre la partie antérieure à l’intelligence, la partie postérieure au sentiment, la partie moyenne au caractère. Nous ne nous occuperons ici que de la partie consacrée à l’intelligence.

« L’intelligence, d’après Auguste Comte, est composée de cinq organes ou facultés : la contemplation concrète et la contemplation abstraite ; la méditation inductive et la méditation déductive, le langage.

Nous voyons plus loin que « une première opération a lieu dans l’organe de la contemplation abstraite, placée dans le voisinage immédiat du précédent, suivant la localisation cérébrale d’Auguste Comte. Les images sympathiques de la contemplation concrète y sont ramenées à un travail analytique ; l’objet observé n’est plus considéré comme un tout, mais comme un ensemble de propriétés ou de parties, dont chacune peut être étudiée indépendamment des autres. Là s’élaborent les matériaux à l’aide desquels se créera la notion des propriétés et des relations abstraites. » Il n’est pas utile de montrer longuement que des notions exactes sont ici défigurées pour être rendues trop précises, et les inconvénients de la méthode subjective telle que les positivistes la pratiquent y sautent aux yeux. On a fait pour la commodité de la