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l’oreille et à sa situation à la terminaison du nerf auditif d’être les agents de l’audition. Et maintenant supposons que ces deux outils, que ces deux organes différentiateurs permutent, entre eux, que l’oreille s’adapte au nerf optique et l’œil au nerf acoustique, que s’ensuivra-t-il ? C’est que les vibrations dites sonores détermineront des sensations lumineuses, et que les vibrations appelées lumineuses provoqueront des sensations de son. Apprenons donc b. nous guérir de l’erreur innée qui nous fait confondre la nature du résultat fonctionnel avec la nature de l’agent. À l’égard du premier, celui-ci n’est que cause déterminante, et non cause efficiente ; et ce principe s’applique à toutes les fonctions, à celles de la vie végétative comme à celles de la vie animale. Si le sel marin appliqué sur la langue donne des sensations de goût et provoque la sécrétion salivaire, c’est simplement parce que, d’une part, cette substance a la propriété physico-chimique de resserrer les tissus, et que les papilles de la langue, organe différentiateur du goût, présentent de leur côté certaines dispositions mécanico-physiques les rendant particulièrement aptes à éprouver ce resserrement que produisent les agents slyptiques. Mais qu’on porte tout autre irritant sur les fibres nerveuses qui aboutissent aux papilles, qu’on les excite par un procédé quelconque, et cette excitation sera invariablement suivie d’une sensation gustative, et d’un afflux de salive.

De ces considérations un peu trop sommaires nous avons diverses conclusions à tirer.

Le rôle de l’agent spécifique se réduisant en fin de compte à servir d’excitant au centre psychique de la fonction par l’intermédiaire de son organe nerveux, on est tenté d’en déduire cette conséquence audacieuse qu’une excitation directe du centre psychique provoquerait chez lui les réactions motrices consécutives à la manière des excitations produites par l’agent lui-même.

Toutefois, se mettre directement, c’est-à-dire moralement, en communication avec les centres psychiques secondaires de la moelle ou du grand sympathique, est jusqu’à présent chose trop mal aisée ; mais voici qui peut y suppléer. Notre moi, le moi cérébral, subit l’influence de tous les centres secondaires de l’économie et les a en même temps sous sa dépendance, et cela au moyen de paires nerveuses de conducteurs afférents et efférents unissant le cerveau à tous les points vivants de l’organisme. Et ce qui prouve qu’il en est ainsi, c’est que chacun de ces points peut devenir, suivant l’expression consacrée, le siège d’une sensation douloureuse ou autre, et que cette sensation, quand elle est intense, s’accompagne au même lieu d’une réaction vaso-motrice plus ou moins appré-