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j.-p. durand. — qu’est-ce que la physiologie générale ?

dont nous avons indiqué tout h l’heure le mode de composition et les éléments essentiels. Revenons brièvement sur ce dernier point.

Toute fonction s’exerce par le concours des quatre facteurs suivants : 1o une individualité psychique, un moi, siégeant au centre nerveux respectif ; 2o un organe nerveux formé d’un centre, générateur de l’agent de transmission qu’on appelle principe ou force nerveuse, et d’une ou plusieurs paires de fils rhéophores pour la double conduite de cette force dans le sens centripète et dans le sens centrifuge ; 3o un organe-outil placé à la terminaison du nerf spécial, et destiné, d’une part, à ménager une adaptation élective et exclusive entre le conducteur afférent et l’agent excitateur spécifique, et destiné, d’autre part, à recevoir la réaction efférente et motrice, et à appliquer cette impulsion au travail utile de la fonction, autrement dit à une certaine modification de la matière, constituant l’objet et la fin de cette fonction.

Ce qui précède étant posé, il en découle différents ordres de conséquences d’un intérêt évident. Je n’en signalerai ici que deux ou trois.

III. — Quelle est au juste la part contributive de l’agent dans le produit fonctionnel, et en quoi et dans quelle mesure influe-t-il sur la nature de ce produit ? Celui-ci offre-t-il, comme on se Timagine encore généralement, un mélange des propriétés intrinsèques de cet agent et des propriétés inhérentes aux forces vitales ? Non, tout cela n’est que rêve et erreur. La nature du produit fonctionnel n’a rien de commun, rien absolument, avec celle de l’agent de la fonction. Celui-ci en effet n’est pas autre chose qu’un excitateur des pouvoirs, des facultés du centre psychique par l’intermédiaire de l’action nerveuse ; et maintenant si tel agent est l’excitateur élu et exclusif de telle fonction, il le doit uniquement et entièrement à un rapport d’adaptation réciproque, qui existe entre ses propriétés inorganiques et les propriétés de même ordre, c’est-à-dire mécaniques, physiques, chimiques, que présentent les dispositions de l’organe-outil ou appareil différentiateur. Ainsi, le jugement humain est la dupe d’une illusion immense quand il se persuade que les couleurs sont dans la lumière ou dans les objets qui la réfléchissent. L’agent lumière excite le sens des couleurs dans notre sensorium où celles-ci résident exclusivement, et s’il est chargé de cet office, c’est grâce à la conformation de l’œil proprement dit en manière d’appareil d’optique, qui ménage aux vibrations éthérées que nous nommons lumière l’accès du nerf visuel, tandis qu’il protège ce même nerf contre les atteintes des vibrations de l’air dites sonores, pendant que, d’autre part, celles-ci sont redevables à la conformation de