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les mettre en ordre, principes et conséquences, et produire l’apparence démonstrative. Le thomisme n’est pas une philosophie, parce qu’il n’est pas une recherche. Au seuil de la doctrine prenez la définition de la vérité : « Le vrai, dit saint Thomas, c’est l’équation entre l’intelligence et l’objet, adæquatio rei et intellectus ; l’être étant le seul objet possible de la connaissance, il suit de laque le vrai se confond avec l’être. » Mais sous prétexte de principe évident, c’est là postuler toute une théorie de la connaissance. Demandez à Kant, à Hamilton, à St. Mill ce qu’il faut penser de cet aphorisme du xiiie siècle : « l’être est le seul objet possible de la connaissance ! » Les preuves de saint Thomas ne sont le plus souvent que les corollaires d’une philosophie sous-entendue et acceptée d’avance. Le thomisme est excellent pour habituer les esprits à la discipline théologique. Il demande assez d’effort pour occuper la pensée, sans l’éveiller à la recherche et à la discussion des principes. Mais il ne répond pas aux exigences de l’esprit moderne. On ne ressuscite pas les morts.

Est-ce à dire qu’il n’y ait rien à garder ou à reprendre de la grande conception des choses qui a été celle de la Grèce antique et l’on peut dire de l’esprit humain pendant près de deux mille ans. Après avoir tout expliqué par la qualité, on ne veut plus voir en toutes choses que quantité et mouvement ; peut-être l’esprit en viendra-t-il à concilier ces deux éléments de la pensée, à faire entrer de nouveau dans l’idée du vrai total ce qui, le rapprochant du beau et du bien, le rend vraiment intelligible.

Gabriel Séailles.

Th. Flournoy. Métaphysique et psychologie. 1 broch. in-8o de 135 p. Genève, Georg, 1890.

La conférence que M. Flournoy vient de publier est une sorte de commentaire, de développement de l’Ignorabimus de Du Bois-Reymond appliqué à ce qui concerne les rapports des phénomènes physiques et des phénomènes psychiques. La psychologie physiologique contemporaine se détachant de la philosophie et devenant une science s’appuie sur deux grands principes, le principe de concomitance et le principe de dualisme. Le principe de concomitance ou de parallélisme psychophysique consiste dans l’affirmation que : « tout phénomène psychique a un concomitant physique déterminé » ; l’axiome d’hétérogénéité ou principe de dualisme peut s’énoncer ainsi : « Le corps et l’esprit, la conscience et le mouvement moléculaire cérébral, le fait psychique et le fait physique, tout en étant simultanés, sont hétérogènes, disparates, irréductibles, obstinément deux. » C’est ce dernier principe qu’examine surtout M. Flournoy ; il critique plusieurs des différentes solutions qu’on a tâché de donner de l’union des phénomènes, l’unité à double face, le fait mental et sa traduction, les mani-