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LES ANTINOMIES ET LES MODES DE L’INCONNAISSABLE

DANS LA

PHILOSOPHIE ÉVOLUTIONNISTE


La filiation des concepts philosophiques, les métamorphoses des doctrines, le transformisme des idées générales, tout cela a été fort peu et fort mal étudié par les philosophes modernes.

Leur position à cet égard est même de beaucoup inférieure à celle des anciens zoologistes qui prenaient souvent pour deux genres distincts l’enfant et l’adulte, le mâle et la femelle du même animal[1]. Car c’est constamment, c’est tous les jours que les philosophes commettent des méprises analogues, et cela à propos de concepts, de genres idéologiques qu’eux-mêmes déclarent avoir pour la philosophie une importance sans égale. Tel est constamment le cas des concepts de Dieu, de Matière, de Force, de Mouvement, d’Inconnaissable.

Dans cet ordre d’idées, un pas décisif a été fait par les agnosticistes anglais en général et les évolutionnistes en particulier. Ces philosophes, qu’on peut classer parmi les positivistes les plus avancés du siècle, reconnaissent nettement déjà les liens de parenté qui unissent la religion à l’agnosticisme ; et leur Inconnaissable remplace ostensiblement le vieux personnage central de toutes les théologies et de toutes les métaphysiques.

Malheureusement pour eux, cependant, ils n’ont étudié ce grave problème ni en sociologistes, ce qui est, peut-être, la manière la plus fructueuse de l’aborder, ni en psychologistes. Ils n’ont fait ni la sociologie, si je puis m’exprimer ainsi, ni la psychologie de Dieu, de la Matière, de la Force, du Mouvement, de l’Inconnaissable. Ils ont continué à faire la philosophie de ces x qu’ils ont continué, par

  1. Citons, comme un exemple des plus connus, la langouste et sa larve (phyllosomme) qui était regardée autrefois comme un groupe indépendant de crustacés.