Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/584

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
570
revue philosophique

suite, à prendre pour autre chose que de pui-s concepts ; ils sont restés, par conséquent, profondément métaphysiciens. Nous allons nous en convaincre dans les pages suivantes.

Le criticisme, cette première grande philosophie de notre époque, n’a pas inventé les antinomies ; elle lésa trouvées toutes prêtes dans la philosophie du passé ; mais elle les a cultivées avec une prédilection particulière, elle les a développées et elle y a vu des prémisses qui justifiaient amplement cette conclusion : la réalité de rinconnaissable. Le positivisme qui a suivi, s’est emparé du résultat final sans trop se préoccuper de sa base ou de sa source antinomis tique. Enfin l’évolutionnisme, qui est venu en dernier lieu, a repris la discussion des prémisses aussi bien que celle de la conclusion, et il a poussé cette discussion à ses limites extrêmes. C’est donc dans la philosophie de l’évolution qu’il faut surtout étudier le problème de rinconnaissable, comme on étudie les lois d’un phénomène quel conque dans un cas bien caractérisé.

Où en est actuellement l’évolutionnisme dans cette question qui prime chez lui toutes les autres ? Attachons-nous à faire ressortir les contradictions dans lesquelles tombe cette école importante, et essayons de montrer que le monisme de Spencer, la doctrine que les phénomènes sont des modes, des transformations successives ou simultanées d’une seule et même énergie primordiale, renferme implicitement cet aveu final inattendu et qui a une grande portée : à savoir, que les antinomies ne sont pas des jugements contradictoires de l’esprit, et que l’incognoscible n’est pas ce que nous connaissons le moins au monde.

I. — Les antinomies.

Dès l’antiquité la plus haute, les contradictions inconciliables, ou nous paraissant telles, de la raison étaient regardées comme la source, le germe subjectif des croyances religieuses et philosophiques de l’humanité. Bien avant Kant, les antinomies étaient déjà citées comme autant d’exemples, d’ « instances prérogatives », pour parler le langage de Bacon, de cette vieille connaissance de l’esprit humain : l’ignorance ou nous sommes, soit des faits, soit de leurs lois ou de leurs causes, c’est-à-dire d’autres faits encore. Une antinomie se déclare partout où notre science nous fait défaut. Or, comme les lacunes ou les « trous » de notre savoir sont innombrables, l’inconnaissable nous guette, en réalité, derrière le moindre fait.

Qu’est-ce que le temps, par exemple, et qu’est-ce que l’espace ? La science, je veux dire la science spéciale, la psychologie qui nexis-