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la difficulté d’associer le nom à une couleur donnée est la même, en ce qui concerne le travail d’association, et que si l’enfant arrive à nommer moins facilement le vert par exemple que le jaune, cela ne peut tenir qu’à une chose : à ce qu’il perçoit moins bien le vert que le jaune.

J’ai suivi la méthode de M. Preyer pour étudier la sensibilité chromatique, chez une petite fille de deux ans et demi à trois ans, à laquelle j’ai eu soin de ne faire apprendre aucune espèce de nom de couleur. Au moment où je commence sur elle mes expériences, elle connaît bien quelques noms de couleurs, qu’elle a entendu dire à sa sœur aînée, mais elle en ignore complètement la signification ; si on attire son attention sur une couleur et qu’on lui en demande le nom, elle répond tout à fait au hasard ; le bleu est nommé jaune ; un moment après, ce même bleu est nommé vert, puis rouge, etc. On voit par conséquent qu’il ne s’est pas encore formé d’associations entre les couleurs et leurs noms, pas même d’associations fausses. Il faut faire une exception seulement pour le rouge, qui est très souvent appelé bleu. La sœur aînée de cette petite fille, à qui on n’avait pas appris non plus les noms des couleurs, se comporta tout autrement : elle fit son éducation toute seule, et à deux ans et neuf mois elle désignait correctement le rouge, le jaune, le vert, le bleu, le blanc, le noir, le gris, le marron ; ceci peut donner une idée de l’importance des différences individuelles dans une même famille et chez des enfants ayant reçu sensiblement la même éducation.

La première expérience a été faite, comme les suivantes, avec des laines de Holmgren ; elle a eu lieu le 19 mars (l’enfant avait alors deux ans et huit mois).

Je montre d’abord à la petite fille sept écheveaux de laine verte (de diverses nuances) et trois écheveaux de laine rouge : elle ne connaît les noms ni des uns ni des autres ; je lui apprends à répéter après moi le mot rouge, quand je désigne le rouge, et le mot vert, quand je désigne le vert. Après cette éducation préalable, elle me donne du rouge et du vert très exactement quand je lui en demande.

Rouge Vert
Réponses correctes… 10 10
incorrectes… 0 0

Le lendemain, j’ai pris trois échantillons de rouge, trois de jaune et trois de vert, et je lui ai appris longuement le nom de ces couleurs, en lui faisant répéter après moi. Ensuite, j’ai étalé les écheveaux sous ses yeux, et tantôt je lui ai demandé de me désigner la couleur dont je lui disais le nom, tantôt je lui ai demandé le nom de l’écheveau que je mettais entre ses mains ; après six interrogations,