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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

ques très justes : « M. Reuss pose cette règle générale : Toute prophétie date de l’époque à laquelle elle se rapporte, — ce qui veut dire de l’époque où elle est censée proférée et dont elle s’occupe ostensiblement. Si, par exemple, un morceau prophétique est dirigé contre l’Assyrie, c’est que l’Assyrie non loin gronde. S’il annonce la ruine de Tyr, c’est que Tyr est encore debout. Car supposer le contraire, serait supposer la fraude et M. Reuss déclare ne pas croire à cette mauvaise action quand elle doit se soutenir à trop longue haleine. Cette théorie, qui doit paraître assez candide… n’irait à rien moins qu’à nous faire reporter aux temps assyriens Tobie, Judith et la plupart des écrits apocalyptiques. » Et l’écrivain s’élève contre la tentative que l’on a faite de sauver plusieurs écrits en les débarrassant d’un certain nombre de prétendues interpolations. Nous nous rangeons d’autant plus volontiers à son avis sur ce point que nous avions nous-mème incliné à cette sorte de transaction et qu’un examen consciencieusement poursuivi nous en a démontré l’inanité.

Si l’on arrive à se représenter la religion de la Bible comme étant essentiellement et avant tout la religion du peuple juif reconstitué en Palestine après l’effroyable crise de la captivité, on doit se demander où et comment se sont formées les idées dogmatiques et les institutions des Israélites ; cette partie des recherches de M. Bellangé n’offre malheureusement point le caractère de solidité que nous aurions été aise de lui reconnaître.

Déjà nous avions été quelque peu effrayé par certaines déclarations placées en tête de l’ouvrage. Il y était question « d’éclairer l’exemple juif (lisez : le type de religion que nous offre le judaïsme) par l’histoire enveloppante et par les lois uniformes du développement humain. Ainsi seulement en finirons-nous avec tant de questions qu’on n’a fait jusqu’ici que compliquer. En un mot, les hébraïsants auront bientôt fini leur tâche : aux évolutionnistes de commencer la leur. » Voilà des dires auxquels je ne saurais attacher un sens précis, encore moins une réelle utilité. En matière d’histoire religieuse, je ne connais qu’une chose, des documents, des textes, des dates. Je reproche précisément xiux hébraïsants d’avoir trop perdu de vue ce principe d’une saine critique ; mais, le jour où des gens se targuant du titre de docteurs es évolutionnisme viendront me dire : Je vous somme de trouver dans la Bible la vérification de nos thèses, la preuve des dogmes de notre petite Église, — serviteur, répondrai-je ; passez plus loin. — Ce serait là, en effet, un beau gâchis ajouté à tant d’habitudes détestables et de complications où se débat aujourd’hui l’exégèse biblique. Pour ceux qui se sentiraient néanmoins quelque tendresse pour des essais de cette nature, nous ajouterons encore une réflexion. L’ « histoire enveloppante », selon l’expression un peu singulière dont use M. Bellangé, — l’histoire enveloppante du judaïsme, c’est sans doute l’histoire comparée des religions dites sémitiques : religions assyrienne, phénicienne, arabe, syrienne ; or cette histoire en est encore à la période des vagissements