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et des balbutiements. Prétendre éclairer la Bible à son aide serait une prétention risible. D’ailleurs, — et la chose ne laisse pas d’être piquante, — M. Bellangé qui parle tant d’évolutionnisme dans sa préface, ne l’invoque guère au cours de son livre, par la raison qu’il n’y a trouvé aucune lumière.

Revenons donc au problème des origines proprement dites du judaïsme sans le compliquer par des rapprochements hasardés avec des peuples voisins. « Israël, dit l’auteur du Judaïsme, loin de déboucher comme peuple en Palestine à trois ou quatre mille ans de nous, a pu naître de la même façon qu’il a vécu, c’est-à-dire comme secte, dans cette Chaldée, cette Médie et cette Susiane mêmes d’où les compagnons d’Esdras et les Samaritains se sont dits les uns et les autres venus…Il n’est pas absurde de concevoir que des Syro-Palestiniens, établis dans les villes de la monarchie babylonienne ou persane, se soient rencontrés avec d’autres Sémites ou gens de langue sémitique, peut-être aussi avec des Aryens, dans la pratique d’une religion rigoriste. L’Orient fournit d’autres exemples de sectes naissant de la sorte et se transformant ensuite en véritables nationalités. » M. Bellangé est plus catégorique encore dans un autre endroit. « De ce centre premier (qui vient d’être indiqué), des colonies sont successivement essaimées, qui se font peuples sous des princes et des grands prêtres, et dont chacune bientôt se cherche des titres et des traditions propres, en alléguant la supériorité de ceux qu’elle parvient à réunir. Celle de Samarie se recommande des vieux souvenirs du Nord, celle de Judée oppose les souvenirs du Sud et cette dernière, à la fin, fait triompher sa version. » Ainsi le judaïsme se serait formé de toutes pièces en dehors de la Palestine en qualité de société religieuse ; la communauté ou communion ainsi constituée aurait envoyé une ou deux colonies en Palestine qui était d’ailleurs, si nous avons bien compris, le lieu d’origine d’une partie de ses membres ; ces colonies, l’une à Jérusalem, l’autre à Samarie, s’emparant des traditions locales de leur nouvel habitat, les aurait mariées à leur dogme et les y aurait si intimement jointes qu’elles en sont devenues inséparables. — Nous ne tairons pas que ces diverses propositions nous semblent bien chimériques en même temps qu’elles sont fort compliquées. Rien n’autorise à dire que la religion juive soit le produit d’un travail philosophique accompli dans le bassin du Tigre par un groupe d’hommes de provenance variée. Au fond, M. Bellangé inclinerait à faire du judaïsme une branche du mazdéisme ou religion de Zoroastre ; mais il a hésité à pousser sa pensée jusqu’au bout et nous ne saurions l’en blâmer, car nous estimons qu’il risquait de se fourvoyer complètement, « Regardons, avons-nous lu quelque part, le judaïsme comme une religion constamment imitatrice de la persane et qui a pu être, à l’origine, une expression sémitique du même mouvement d’idées, dont les mages donnaient l’expression aryenne. » Ailleurs, l’auteur a fait valoir l’influence chaldéenne, dont l’action d’ailleurs se confondrait avec la première.