Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
revue philosophique

Une note présentée par moi il y a quelque douze ans sur certaines illusions d’optique se terminait ainsi : « II existe un sens des formes de l’étendue, qu’on pourrait appeler le sens géométrique, et qui n’est autre que le sens musculaire. Il est servi par divers instruments plus ou moins parfaits ; il emploie, si nous pouvons ainsi parler, des compas plus ou moins précis, à savoir les parties mobiles du corps… L’œil, grâce à sa forme sphéroïdale, à la disposition symétrique des muscles qui le font mouvoir, est un instrument sans égal et d’une sensibilité exquise. En tant donc que nous le considérons comme instrument du sens géométrique, nous n’avons pas à tenir compte de ses propriétés optiques. Comme instrument d’optique, l’œil, ainsi que l’oreille, peut être censé immobile. Comme instrument géométrique, sa mobilité est sa propriété essentielle et suffisante, et peu importe la forme de l’image qui se peint sur la rétine. »

La manière dont j’établissais cette thèse a été exposée sommairement, mais très-clairement dans le n° du 27 janvier (p. 728) de la Revue scientifique contenant le compte-rendu de mon ouvrage sur la Psychologie comme science naturelle, et aussi par M. L. Dumont dans l’article précité de la Revue philosophique. Je me permets d’y renvoyer le lecteur. Mon intention n’est pas, pour le moment, de traiter toute la question. Je veux seulement examiner la seconde des quatre propositions par lesquelles M. Naville résume les considérations sur lesquelles s’appuie sa théorie de la vision. Cette proposition est ainsi conçue :

« La sensation de la couleur est inséparable de la perception d’une surface. Cet élément de perception engagé dans la sensation n’existe pas pour l’odorat, le goût et l’ouïe, mais seulement pour la vue et le tact, comme l’a remarqué Jean Müller. »

L’auteur ajoute que c’est moins là une thèse qu’une question à étudier. Je vais essayer d’y répondre et de trouver la cause de l’union de la sensation de couleur et de la perception de l’étendue.


    minés entre deux penseurs qui ne se sont pas communiqué leurs idées constitue, me semble-t-il, une présomption assez forte en faveur de la doctrine énoncée. Ce n’est pas qu’il n’y ait quelques divergences entre M. Naville et moi. Je ne sais pas si la perception et la sensation ont une unité d’origine dans l’impression organique (p. 947) ; et si la vue fournit des perceptions (p. 948). Il soutient encore que, si l’œil perçoit les formes sur une surface plane, il perçoit aussi le mouvement de translation (p. 948) ; je me demande s’il ne faudrait pas plutôt partir de l’idée inverse et faire de la perception du mouvement la condition de la perception de la forme. Enfin cette proposition : toute sensation est localisée si elle procède d’une partie du corps mobile à volonté (p. 947) ; est peut-être trop étroite et aurait besoin d’un commentaire : peut-on dire, par exemple, des dents qui nous font quelquefois tant souffrir, qu’elles sont mobiles à volonté ?