Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
revue philosophique

dans l’organisme. Il est vrai que chez ces derniers la force psychique est conçue matériellement, qu’ils se représentent l’âme sous la forme d’une flamme, d’un nuage, d’une vapeur, souvent sous celle d’un papillon ou d’un oiseau, mais ceci ne change en rien le fond de la chose et il n’en est pas moins un fait avéré que tous les peuples, il est même permis de dire que la généralité du genre humain reconnaît la nature distincte de la vie psychique, et en attribue l’origine à une force complètement différente de celle qui occasionne les phénomènes extérieurs. La dissemblance entre un organisme vivant et un organisme mort est en effet tellement frappante que l’homme qui possède la conscience immédiate de son existence est amené naturellement en observant la mort, — ainsi que l’a parfaitement démontré M. Taylor dans son livre Les origines de la civilisation, — à admettre que cet organisme mort a été abandonné par une force vivifiante intérieure. La foi en cette force va même si loin chez l’homme inculte qu’il ne peut se figurer un seul objet, ni un seul être dépourvu d’âme, et qu’il croit même la trouver là, où nul indice extérieur n’en trahit l’existence. L’animisme est une foi généralement répandue et a sa source dans la différence complète des processus intérieurs, considérés comme objet de notre savoir, de ceux qui ont lieu hors de nous. C’est donc ainsi que l’ethnologie indique au psychologue l’importance de son objet et la différence qui la sépare des sciences naturelles. Nous pensons que cette base ethnologique ne peut être sans valeur pour la psychologie envisagée comme une science à part.

Après ce qui a été dit sur les moyens de perception des phénomènes psychiques, nous voyons clairement que l’expérience intérieure est de la plus haute importance pour les recherches psychologiques, et nous sommes complètement d’accord avec M. Stewart pour accorder que c’est par l’expérience et par l’observation intérieure que Locke, Hume, Berkeley ont fait leurs principales recherches et sont parvenus à des résultats remarquables. Un psychologue qui rejetterait l’observation intérieure ferait sur nous la même impression qu’un astronome, qui désapprouverait l’usage de la vue dans ses observations astronomiques pour la seule raison qu’elle n’est pas suffisante lorsqu’il s’agit d’apercevoir les étoiles plus éloignées. Loin de dédaigner la vue, l’astronome l’arme au contraire de verres et de télescopes ; de même le psychologue ne doit point rejeter l’expérience intérieure, mais la fortifier et la soutenir encore par d’autres moyens. Les expériences psycho-physiques de Weber et de Fechner, les avantages tirés des données physiologiques, les études comparées sur la vie psychique des organismes à de différents degrés